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CHAPITRE
5 : Charles et Simone La guerre de mille ans |
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Depuis 1928, Georges travaille à Paris, à la C.P.D.E .(Compagnie
Parisienne D'Électricité), rue des Dames, dans le 17eme arrondissement,
dans un très bel immeuble au fronton de terre cuite. Il y étudie
férocement les shémas des branchements électriques,
la tension anodique du 110 volts. Mais
bien vite Agnès se plaint d'être la plupart du temps seule avec
Robert à Villiers-le-bel. Elle calcule qu'en louant leur maison
et en se transportant à Paris, ils couvriraient les frais de transport.
Après concertation générale, le projet est adopté.
Deux
thèses s'affrontent dans le monde depuis que Hitler et Staline ont
signé leur pacte de 1935. Le parti Communiste y voit un vaste complot
des forces capitalistes qui, en somme, préfèrent Hitler au front
populaire et à la démocratie (ce qui est sûrement vrai) et poussent
Staline a cette alliance contre nature. Selon Charles, via le Parti,
la France et l'Angleterre ont obligé l'Union Soviétique à cet accord.
La presse française et internationale désigne désormais l'Union
Soviétique comme l'alliée de l'Allemagne hitlérienne afin de créer
un climat de pogrom contre les communistes. La fin du front populaire
porte le second coup. Lorsque l'Union Soviétique entre en Pologne,
le 18 septembre, c'est le coup de grâce. Le 26 septembre 1939, le
gouvernement décide la dissolution du Parti. Les biens et les locaux
sont confisqués. La publication, circulation, distribution, offre,
vente ou exposition de tout matériel de diffusion, sont frappées
de lourdes peines. " Les mandats électifs du communisme n'existent
plus. Trois cent conseils municipaux ont été suspendus. En tout,
deux mille sept cent soixante dix-huit élus communistes ont été
déchus de leur mandat. Les deux quotidiens, l'Humanité qui tirait
à 500000 exemplaires et Ce Soir à 250 000 exemplaires, ont été supprimés,
ainsi que 159 autres feuilles. 620 syndicats ont été dissous. 11
000 perquisitions ont eu lieu, 675 dissolutions de groupes politiques
à tendance communiste ont été prononcées. En outre, les militants
ont été traqués, 3400 ont été arrêtés au 7 mars. Il y a de nombreux
internements dans les camps de concentration. 10 000 sanctions ont
été prises contre les fonctionnaires communistes. " Marguerite,
craignant une perquisition, brûle tous les documents et les livres
que son fils a laissé place du pont. Le 5 juin 1940, l'armée allemande
attaque sur la ligne de l'Aisne et de la Somme. Le 10, Mussolini
déclare la guerre à la France. Le gouvernement quitte Paris pour
Tours et Bordeaux. Le 14, les troupes allemandes envahissent Paris.
Charles, toujours engagé volontaire, est à Versailles, où il apprend
que le gouvernement décide, par un décret signé par le ministre
socialiste de la justice, d'appliquer la peine de mort contre les
français suspects de propagande communiste. Il n'est plus temps
de se mettre en danger. Il se fond dans le paysage.
Pendant
ce temps, son père, à Sarcelles, décline rapidement. On ne sait
pas ce qu'il a. Georges Picard, qui le rencontre, est frappé de
le trouver aussi amaigri, le teint terreux. Il en prévient Charles,
mais celui-ci ne peut pas grand chose.Le
8 septembre 1941, Robert Bénard meurt de la même "phtisie " galopante
que Charles-Auguste, et pratiquement dans les mêmes circonstances.
Robert et Charles ne se seront jamais rejoints. Charles-Alfred écrit : J'ai
Dieu sait quel besoin de paroles non dites * *Ce poème a été écrit par Charles-Alfred dans les années 80. Il a été lu lors de son enterrement, en avril 1999. Il n'a pas pu être inhumé dans le caveau de famille, comme il le souhaitait, car il y avait trop de monde, mais juste à côté, dans la même rangée.
Marguerite, veuve, est à présent sans ressources. Elle ne peut, a elle seule, payer la maison de la place du Pont. Elle vient habiter au 95 rue Lamarck, dans un appartement que lui a trouvé sa sour Marthe, qui y est concierge. C'est un petit deux pièces sur cour au dernier étage, ce qui le rend très clair, avec une cuisine et les W.C. sont à l'intérieur. Elle emménage avec sa fille Paulette, 16 ans, et son dernier fils, Robert, qui a 7 ans.
Entre la phtisie galopante qui emporte son mari en quatre mois,
et la méningite du petit, dont il sort juste, Marguerite est épuisée.
Et pourtant, il faut tenir, malgré le rationnement, malgré la peur,
malgré l'occupation. Georges
Picard, qui n'habite pas loin, puisque du 95 rue Lamarck au 21 rue
Damrémont, il y a deux cent mètres, n'a jamais eu l'esprit confus
sur ces sujets. Il organise un véritable centre de relations avec
son frère Edmond, qui tient, tant bien que mal, le restaurant familial
; les Pellegrini qui sont restés au 309, et ceux de Villiers-le-Bel
: la tante Ada, et surtout Celestin, son mari ; son père, Eugène,
et sa belle-sour Laure, dont Renée et Marcelle sont les filles. Georges est définitivement Gauliste depuis le 18 juin 1940. Tous les soirs, il écoute la radio après avoir fermé les fenêtres et tiré les rideaux, et dans sa salle à manger vide, en attendant l'heure de l'émission, il compose des chansons, dont celle-ci, sur l'air du 17eme : Voyez-vous
dans le ciel bleu de France Octobre 1941. Le Maréchal Pétain dirige la France depuis plus d'un an : " Près de deux millions de prisonniers ; les 3/5e du territoire occupé ; des pertes matérielles considérables ; des millions d'hommes et de femmes à remettre en place ; des institutions ruinées et à refaire ; un ennemi attentif qui nous tient le pied sur la nuque, telles sont les conditions dans lesquelles doit travailler le régime de Vichy. Il ne faut pas sous-estimer, si l'on veut porter un jugement équitable, les énormes difficultés auxquelles il doit faire face. Le Maréchal Pétain se considère lui-même comme un syndic de faillite qui s'efforce de conserver le plus possible de l'actif. Une fois admise cette mission discutable, il reste à voir avec impartialité comment elle a été remplie" " Jacques Madaule. De Clemenceau à de Gaulle. Nouvelle librairie de France |
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