CHAPITRE 2 : belle époque !
Prologue


Le Ciel et l'enfer


Yvette Guilbert

Eugène Picard, le patriarche, naît le 22 septembre 1867 en Lorraine. Sa famille se déplace à Troyes. En 1886, il rencontre Léontine Claysse, née en Belgique, issue d'une famille de bateliers devenus forains et particulièrement prolifiques : elle a 19 frères et soeurs. Ils se marient en 1889, ont un fils, Maurice, qui naît en 1891. Ils achètent un premier café-restaurant à la porte de la Chapelle.
En 1894 ils ont un second fils, Edmond, puis Marcel, en 1896. Georges, le petit dernier, naît le 24 janvier 1899. Ils revendent le fond et achètent un autre café-restaurant 311 avenue du Président Wilson, à Saint-Denis-la-plaine, à côté du Gaz de France, où il y a beaucoup de monde.

La famille Picard est exactement dans l'esprit des années 1900 telle qu'on l'imagine. Elle incarne assez bien ce que le populaire appellera "la belle époque".

Certes, personne, à l'époque, ne la qualifie de "belle". Mais le souvenir de la guerre de 70 et celui de la commune sont encore assez vivaces pour propulser le plaisir en premier plan, avec une sorte de revendication pour la futilité que l'on retrouvera aussi après les deux autres guerres mondiales.
En effet, entre 1880 et 1914, une multitude de lieux de distractions apparaît à Paris et plus particulièrement à Montmartre. Il y a, bien sûr, le fameux "Chat noir", où chante Aristide Bruant, mais aussi, à l'emplacement de la grande vitrine du Monoprix actuel, au 34 boulevard de Rochechouart, fondé en 1892 par Dorville, le "Ciel et l'Enfer" avec ses deux portes monumentales sculptées, celle de l'enfer composée d'une gueule immense dans laquelle le spectateur s'engouffre.
On y consomme sur des cercueils, éclairé par la lueur de bougies placées dans des crânes. La formule sera reprise en face, au cabaret du Néant. Pendant ce temps, Yvette Guilbert chante son "fiacre allant trottinant" au Divan japonais. Gainée de sa robe étroite, elle est inimitable : le masque pâle, étrange, inoubliable, où luisent des yeux moqueurs de gavroche, un cou qui n'en finit plus... une poignée de cheveux blonds qui pointent en toupet de clownesse. C'est la première fois qu'on voit au concert Parisien des gants noirs.
Le blanc est de tradition.


Henri Evenepoel : l'espagnol à Paris. 1899

Les premiers films de Georges Méliès constituent un véritable engouement.

Mais c'est surtout le "Moulin Rouge" qui va marquer l'époque. Inauguré le 6 octobre1889 par Joseph Oller, il remplace "le Bal de la reine Blanche". Le Tout-Paris se précipite dans la grande salle éclairée par des rampes au gaz pour assister au spectacle : rien que de l'inédit ! Quand, sur un air d'Offenbach, Toulouse-Lautrec apparaît soutenu par la présence de peintres et de boxeurs exubérants qui lui ouvrent le chemin, il fait sensation. Le mot circule vite : ce petit nabot aux jambes torses possède un sexe énorme. Les filles le surnomment "la cafetière". Il immortalise le lieu par ses affiches et ses tableaux, ses portraits de "la Goulue", "Nini patte-en-l'air", "la Môme fromage", "Grille d'égout" ou "Valentin le désossé". La salle donne, à l'arrière, sur un jardin orné de nombreux bosquets qui montent jusqu'à la rue Lepic. Les ébats se font en plein air, entre les stands de tir et les voyantes.
C'est là l'héritage plus que centenaire des trois jardins Tivoli


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