Traité imprimé en 1733,
traduit du vieux François, expliqué et augmenté de commentaires.
C H A P I T R E I
Origine du vernis chinois en Europe
Depuis que dans
le quinzième siècle les Pères de la Compagnie de Jésus entrèrent en Chine comme
missionnaires, sous la conduite du Père Matheo Ricci, le Père Martino Martini
en l’année 1655 fit imprimer à Amsterdam un gros volume intitulé : ATLAS CHINOIS, dans lequel il rapporte
plusieurs particularités de ce grand royaume. A la page 113 de ce livre, il
parle du vernis avec lequel les chinois ont coutume de couvrir non seulement
les écritoires, les coffres, les tables et les autres meubles de cette nature,
mais aussi les murs, les plafonds et les planchers des chambres qui sont
ordinairement de bois, ce qui leur donne beaucoup de noblesse et fait un très
bel effet à cause des différentes couleurs et des ornements dorés, dont ces
ouvrages sont embellis. Le Père Martini en parle en ces termes :
In urbe quartâ provincia décima Chechian dict â Nancheu, plurimum colligitur gummi
illius, feu glutinis Cie, quod stillat ex arboribus, persimileque est lachryma
therebenthi. AE state colligitur purgaturque à Sinis, quo volunt colore
insiciunt; optimum est quod nigerrimum; cum mundom siccatum est, venenatam
quandam emittit exhalationem, cui non assueti intumes cunt ac pallent vultu,
sed facilis est curiato, cum tinguntur Arculae, tardius siccaatur, nisi in
humido sit loco, quàm vero res sit elegans, munda ac splendida, jam pridem
didicit Europa ex capsulis, quae ex japponiâ, atque ip â Sinâ plurimae fuerunt
adductae.
Dans la ville de
Nancheu qui est la quatrième de la dixième province appelée Chechiam, on
ramasse une grande quantité de la gomme ou glu nommée Cie, qui découle de
certains arbres et ressemble fort à celle qui distille du térébinthe. Les
chinois la ramassent l’été, la nettoient bien et la teignent de la couleur
qu’ils veulent. La meilleure est celle qui est d’un jaune tirant sur l’or, et
ensuite celle qui est d’un beau noir.
Lorsqu’elle n’est point encore sèche, il en sort une odeur dangereuse qui fait
enfler tout le corps à ceux qui n’y sont pas accoutumés et leur donne la
couleur d’un homme mort. Mais le remède à cette maladie est très simple; les
petites boites enduites de ce vernis
sèchent rapidement sauf si elles se trouvent dans un endroit humide.
Pour la beauté et la perfection de ce travail, il est aisé d’en juger par ces
boites et autres ouvrages qui ont été rapportés du Japon ou de la Chine en Europe.
Après la
parution du livre du Père Martini, le Père
Athanase Kirker, natif de Fuldes, écrivain très célèbre par la quantité
d’ouvrages parus, fit paraître en 1667 un livre intitulé : La Chine illustrée. Dans le premier chapitre de la cinquième
partie,page 120, il rapporte les paroles du Pères Martini et ajoute qu’il était
arrivé à Rome un ermite de l’ordre de Saint Augustin appelé le Père Eustache Jamart, qui composait un
vernis, lequel, s’il n’était pas le même que celui de la Chine, était néanmoins
très beau et lui ressemblait fortement. Le Père Kirker l’ayant appris du Père
Jamart son ami, voulut bien, avant de le rendre public, lui en attribuer la
découverte et, à la suite du même passage cité ci-dessus, il en donne la
recette que voici.
Il faut prendre
de la gomme-laque bien purifiée, la mettre dans un vaisseau de verre et verser
dessus un très bon esprit de vin, jusqu’à ce qu’il surnage de quatre doigts.
Après avoir bouché hermétiquement le
vase, il faut le mettre digérer au soleil ou à feu tempéré pendant trois ou
quatre jours en remuant de temps en temps. Lorsque la gomme est dissoute, on la passe dans un linge et on la
remet à nouveau à digérer pendant une journée. Lorsque ce vernis est fait, on
se sert du plus clair qui surnage en l’étendant légèrement sur le bois avec un
pinceau. Auparavant, le bois doit avoir été peint de la couleur souhaitée et il
est nécessaire de bien laisser sécher la première couche avant de donner la
seconde puis la troisième.
C
H A P I T R E I I
Où l’on rapporte différentes
préparations faites dans beaucoup de parties de l’Europe, pour imiter le vernis
de la Chine
Il y a une
infinité de différentes compositions de vernis qui sont imprimées dans
plusieurs livres sous le nom de vernis de Chine, quoique ce ne soit que divers
mélanges de gommes en différentes doses, pour approcher de la perfection plus
que celui qu’a publié le Père Kirker. Avant de rapporter celles de ces
préparations qui passent pour les meilleures, il est utile de donner une
connaissance des gommes entre lesquelles chacun pourra choisir celles qui lui
sembleront les meilleures pour faire le vernis à sa fantaisie.
Ayant fait chez
les auteurs de l’Histoire naturelle une recherche exacte sur cette matière,
j’ai trouvé que celle qui tenait la première place était la gomme-laque qui est
la base d'un vernis du Père Jamart. Mais pour connaître plus particulièrement
sa nature, il faut remarquer avec le Docteur Léonard Fioravanti, chap. 24 du
second Livre des secrets qu’il a publié, qu’entre les gommes, il y en a de
chaudes et de froides, d’humides et de sèches. La gomme de pin, communément
appelée résine, (1) est déssiccative. Celle de sapin appelée (2) térébenthine
ou huile de sapin participe du chaud et est consolidante. Celle du prunier et
les autres de cette espèce sont humides et froides. Parmi cette variété, les
auteurs cherchent ce que doit être la gomme (3) laque, ainsi nommée parce
qu’elle tire sur la couleur rouge tout comme la laque.
(1) La résine ou
poix résine est un liquide sirupeux s'écoulant des arbres résineux après
incision qu'on recueille et qu'on chauffe pour l'amollir ou pour activer sa
siccativité.
(2) La
Térébenthine est extraite particulièrement des pins. Nous la connaissons sous
le nom de térébenthine commune. La térébenthine de Venise est extraite du
Mélèze. De sa distillation on tire
l'essence de térébenthine.
(3) Laque gomme
nommée souvent par la suite.
(4) La laque est
une pâte qui sert pour la peinture. On la fait avec différentes teintures
desséchées de bois et de fleurs. La préparation se trouve dans la suite de l’ouvrage
Calceolario,
dans son muséo page 630, rapporte que Garcias, médecin du vice-roi des Indes
orientales dépendantes du royaume du Portugal, homme très savant, après avoir
longtemps douté de la qualité de cette gomme, la reconnaît enfin dans son
premier livre de l’Histoire des aromates. Il rapporte que suivant des
témoignages fidèles, dans le pays nommé Martuban, nait un arbre dont les
branches sont très étendues. Certaines fourmis ailées, qu’on croit naître de la
terre, déposent cette gomme sur les feuilles qui ont la même forme que celles
du prunier, après s’être nourries du sucre qu’elles tirent de l’extrémité des
plus petites branches, de même que les abeilles produisent le miel après s’être
remplies du sucre des fleurs. Les gens du pays coupent les petites branches de
ces arbres chargées de gomme et les font sécher à l’ombre. Il ajoute, comme
preuve de ce fait, qu'on trouve parmi cette gomme des ailes de fourmis et des
petits morceaux d’écorce d’arbre, difficiles à enlever. Cette gomme est
exportée en Europe mais ne se trouve jamais en gros morceaux. Ce ne sont que
espèces de grains mêlés de terre. On la purge facilement de toutes ces
impuretés en la faisant fondre, comme la colle d’Allemagne ou celle qui se
nomme cervona, qu’on étend en feuilles et qu’on fait sécher pour en faire des
vernis. Mais jusqu’à présent, je n’ai pu savoir qu’elle était la liqueur dont
on se sert pour la dissoudre et la réduire en pâte.
(1) Pomet, dans
son Traité des drogues, livre 7 chapitre 43, explique qu’après l’avoir dissoute,
on l’étend sur une pierre plate où elle sèche, mais il ne dit pas la manière
dont on l’amollit. Lorsqu’elle est préparée de cette manière, elle se dissout
plus facilement dans l’esprit de vin, ce qui n’arrivent point avec les autres
liqueurs quelques chaudes qu’elles soient. (2). On doit signaler que cette
gomme, en Europe, se trouve falsifiée et mêlée en parties égales avec de la
résine de pin, ce qui fait qu’elle n’a point la dureté naturelle; ainsi elle
n’est pas si bonne pour faire le vernis.
La seconde gomme
est la sandaraque, appelée par les écrivains vernis et gomme persienne.
Vormius, dans son Muséum, page 129, dit que cette gomme se nomme vernis parce
qu’on la recueille au printemps qui se dit en latin vernum. Les arabes la nomment sandaraque. Elle est différente de
celle de la Grèce qui n’est pas une gomme mais (3) un minéral semblable à
l’orpiment.
(1) Pomet dit
dans l’endroit cité, que pour réduire en plaque la laque en bâton, on la fond
et qu’ensuite on le jette sur le marbre. Dans son Traité universel des drogues
simples, Lemery dit la même chose : cette fusion est sans doute par le feu et
sans addition. Le R.Père Bonnani a crû que le mot français fondre signifiait
dissoudre dans quelque liqueur.
(2) Pour éviter
l’inconvénient de la calcification, on peut se servir de celle qui arrive
attachée autour des petits bâtons, et qu’on appelle gomme-laque en bâton.
(3) La sandaraque (anciennement réalgar), est
un orpiment sublimé en une masse rouge et luisante sans être transparente. (Du
latin sandaraca; du grec sandarakê, d'origine orientale). Résine
utilisée pour la fabrication de vernis et qui provient soit d'Afrique du nord
d'où elle exsude d'un thuya, (Callitris
quadrivalvis), soit de l'Australie, où elle est produite par C.glauca et C.verrucausa.
La troisième est
le mastic qui nait dans l’Ile de Chio. Il tombe en larmes du lentisque, l’une
et l’autre fort connues en Italie. Ces deux gommes se dissolvent facilement
dans l’esprit de vin (l'alcool).
La quatrième est
la gomme copal qui, selon
Calceolario dans sons Muséo, sect5, page 625, et dans l’Histoire des drogues de
Pomet, chap.4, liv.7, est une résine blanche et transparente qui se trouve dans
la nouvelle Espagne en Amérique. Elle provient d’un arbre lorsque les gens du
pays séparent l’écorce du tronc. Clusius dit, à ce que rapporte Gomara, qu’il y
en a deux espèces; l’une semblable à l’encens, et l’autre de meilleure qualité,
préparée par les américains pur faire des parfums. Leurs prêtres s’en servaient
pour leurs encensements lorsque les espagnols arrivèrent. Il ajoute que cette
gomme est humide au premier degré et qu’ainsi elle a une vertu émolliente et
résolutive par la quantité de parties aqueuses qu’elle contient. Ce qui fait
qu’elle se dissout difficilement dans l’esprit de vin (l'alcool). Dans son
Traité des drogues simples, chap.214, Lemery dit qu’il y en a de deux espèces;
l’une qui nait d’un arbrisseau qui a les feuilles longues et les fruits
semblables au concombre, et l’autre qui se tire d’un grand arbre lorsqu’on
incise son écorce. On l’appelle improprement (1) Carabé, parce qu’elle ressemble à l’ambre. (Le Carabé est une
variété d'ambre jaune) Quant à sa dissolution, elle se fait de plusieurs
façons. Un ami très expert en chimie, m’a écrit d’Allemagne sur ce sujet, en
ces termes : j’ai fait l’épreuve de dissoudre la gomme copal avec l’esprit
(essence) de térébenthine et elle s’est en effet dissoute comme la gomme
arabique. J’ai appris d’un autre ami qu’après l’avoir pilée grossièrement, on
la fait bouillir dans une eau empreinte de sel de tartre où elle se dissout;
ensuite on y verse goutte à goutte de l’eau de vie (alcool) à discrétion. J’ai
encore testée une autre façon de procéder, en la pilant bien et en jetant peu à
peu cette poudre dans la térébenthine commune chaude, ou de Venise (2), ou dans
l’huile de (3) térébinthe; mais elle reste épaisse et sèche difficilement.
La résine de
copal se trouve sous trois formes :
1)
fossile,
elle est très recherchée
2)
Semi
fossile, on la trouve au pied des arbres, elle peut convenir.
3)
Vert,
coulant des arbres après incision
(1) Elle est
connue en France sous le nom de faux Carabé.
(2) Il a dit
ci-dessus que la résine qui exsude du sapin se nomme : térébenthine commune, et
nous verrons par la suite que l’oglio
d’abezzo est celle de Venise. (Térébenthine de Venise), qui est obtenue à
partir du Mélèze, un pin méditerranéen.
(3) L’huile de
Térébinthe est la térébenthine de Chio, que nous ne distinguons point de celle
de Venise et qui provient d'Algérie ou du sud de la France.
En partant du fond, à gauche : Térébenthine de
Venise, huile de noix cuite à la litharge, médium à peindre à base de résine.
Devant de gauche à droite : laque décirée, médium flamand préparé, essence
grasse de térébenthine.
Il est
nécessaire de connaître cette opération pour préparer une sorte de vernis
d’excellent qualité, dont le parlerai par la suite.
Il y a ensuite
l’ambre (1), dont l’origine reste douteuse, car on ne sait si c’est une gomme
qui provient de quelque arbre ou un bitume produit dans les entrailles de la
terre. Calceario, dans son Muséo, part.2, page 180, dit qu’il se nomme succinum, parce que c’est un suc congelé
et non produit par des arbres. Munster rapporte qu’on le trouve flottant sur la
mer de Prusse, autour de laquelle il ne se voit aucun arbre. Il prétend que
Pline, Olaüs Magnus et même S.Basile, dans son hexameron, se sont trompés.
Agricola, liv.4. De Fossillibus, dit
que c’est un suc gras de la terre qui, s’étant filtré à travers les veines, se
jette dans la mer où il est coagulé par le froid de l’eau. (L'Ambre est un nom
donné à deux substances différentes que l'on précise par un adjectif, d'où la
confusion précédente : l'ambre gris, issu des concrétions intestinales des
cachalots qu'on utilise en parfumerie se trouve flottant sur les eaux ; l'ambre
jaune ou succin qui est une résine fossile dure, cassante, presque
transparente, d'une couleur qui varie du jaune pâle au rouge hyacinthe utilisé
en joaillerie et, selon la légende, dans la confection des vernis. NDR)
On trouve un
autre très bon bitume pour le vernis noir, qui se nomme asphalte, ou bitume de Judée.
Calceolario
sect.2. Pag.174. en parle ainsi : On trouve ce bitume proche Babylone dans la
Judée, sur le lac appelé asphaltide. Vitruve l’appelle mer morte et dit que
c’est l’endroit où furent détruites les villes de Sodome et Gomorrhe.
L’historien Josèphe en à parlé dans la guerre des juifs, liv.5. chap.5, ainsi
que Solin dans les choses mémorables chap.3 Dioscoride et Avicenne rapportent
que ce bitume a la vertu d’empêcher l’humidité. C’est pour cela qu’on l’emploie
au goudronnage des vaisseaux et autres vases, comme on se sert en Europe de la
poix noire. C’est une preuve manifeste de la graisse onctueuse qu’il renferme.
Dans son Traité
universel des drogues, tome.2 page 107 Lemery parle de l’asphalte qui se trouve
sur la mer morte en Palestine à quelques milles de Jérusalem, et dit que les
arabes s’en servent pour goudronner les vaisseaux, comme les européens le font
avec la poix. Ce bitume était employé par les anciens égyptiens pour les
embaumements. D’après le même auteur, il est aussi employé pour noircir le bois
et contrefaire le vernis de la Chine.
On doit aussi
considérer comme un très bon bitume ou résine (1) la poix grecque, ainsi
appelée parce qu’elle est extraite des sapins de Calabre, qu’on appelait
autrefois grande Grèce. Elle est d’une couleur tirant sur le jaune, comme
l’ambre, mais est beaucoup plus tendre et se fond plus facilement à la chaleur.
Colophane brute à gauche, raffinée à droite.
Par tout ce qui
est rapporté dans ce Traité de la poix grecque, il sait ce que nous nommons
colophane, ou du moins elle y ressemble si fort en tout qu’on peut
indifféremment employer l’une à la place de l’autre. J’ai même appris qu’en
Italie on en frotte le crin des archets des instruments à corde comme nous
faisons ici de la colophane.
Entre les gommes
extraites des arbres et qui sont de nature oléagineuse, il y en a une dont
parle Mathiole dans son premier livre sur Dioscoride chap. 121. Il dit qu’elle
est peu connue et très rare, qu’elle est extraite des oliviers et assure que,
quoiqu’elle ait une infinité de vertus, personne cependant ne l’utilise.
D’après lui, elle ressemble à la scammonée rouge condensée en forme de petites
gouttes et est corrosive. Il ajoute qu’elle provient des oliviers sauvages
appelés aussi oliviers d’Ethiopie. Il parle également d’une autre espèce de
gomme, mais qui n’a aucune utilité. Elle est extraite des oliviers domestiques
et des oliviers sauvages. Ceux qui la produisent sont ordinairement dans le
pays de Sienne et dans quelques autres lieux de Toscane, ainsi qu’en Dalmatie
et dans quelques îles de la mer adriatique. Il ajoute qu’il s’en trouve sur les
collines au bord de la mer adriatique, dans le territoire de Lecques, dans les
Pouilles et qu’elle ressemble en dureté à la gomme copal.
Enfin, outre ces
deux gommes, il y en a beaucoup d’autres qui découlent de différents arbres et
dont parlent les historiens, comme la gomme élémi, l’animé, l’arabique, celle
du prunier, de cerisier et d’azerolier. Le hêtre, le cèdre et le pêcher en
produisent également. Il y a aussi la gomme gutte, l’encens, la myrrhe,
l’opopanax, l’ammoniac. D’autres humeurs proviennent encore de certains arbres,
comme l’huile de térébinthe, de copaïba (Baume de Copahu) et d’autres dont il
n’y a pas lieu de faire mention, parce qu’inutile pour ce que nous cherchons.
Si l’on désire en savoir plus à leur sujet, il suffit de lire le Traité des
drogues de Pomet.
Compositions diverses de vernis faits a l’imitation
de celui qui a été publié par le Père Jamart
Plusieurs
artistes, non contents de dissoudre la gomme-laque dans l’esprit de vin
(l'alcool) bien déflegmé, ont cru qu’en changeant quelque chose dans la
composition du vernis, il en serait plus parfait. Voici les meilleures
opérations sur ce sujet, qui m’ont été rapportées.
Dans la physique
curieuse du Père Adalbert Tilkouski de la Compagnie de Jésus, pag.110, voici la
recette qu’il donne sous le titre de vernis turc:
Il faut prendre
une partie de térébenthine et la laver cinq fois dans l’eau chaude, ensuite, il
faut pulvériser à part deux parties de sandaraque que l’on mettra dans un vase
sur le feu. Lorsqu’elle commencera à fumer, il faut y jeter la térébenthine
avec un peu d’huile d’aspic. On la retire ensuite de dessus le feu et on y
jette une partie d’eau de vie (ou d'alcool à 60°), mêlée avec trois parties (1)
d’eau de résine ; on aura alors un excellent vernis qui sèche en six jours.
Dans le livre de
Christophe Loue Morley, intitulé : Collectanea
chymica leydensia au chapitre intitulé du
Vernis japonais, il est dit : prenez une once (la douzième partie de n'importe quelle mesure) de laque en poudre
et trois onces (donc trois fois plus)
d’esprit de vin (d'alcool à 60°).
Mêlez le tout en agitant le vaisseau de temps en temps ; lorsque la gomme est
dissoute, on en passe sur le bois avec un pinceau autant de couches que l’on
veut, ou jusqu’à ce qu’il y ait une épaisseur suffisante. Quelques jours après,
lorsqu’il est bien sec, on le polit avec de la pierre ponce en poudre et de
l’huile commune, et on lui donne le dernier lustre avec de la craie pulvérisée.
Cette sorte de vernis est très peu différente de celle du Père Jamart, et ne
mérite pas le nom de vernis japonais comme nous le verrons par la suite.
(1) Aqua
di rasa. J’ai fait plusieurs recherches pour savoir ce que pouvait être
cette eau de résine que nous ne connaissons point sous ce nom. On m’a précisé
de Rome que c’était la même chose que l’oglio
d’aspigo, c’est-à-dire l’huile d’aspic. Tous les peintres italiens que j’ai
consultés m’ont confirmé la même chose, qu’il s’agissait d’huile d’aspic. C’est
une drogue fort connue; on en ignore cependant l’origine. Pomet dit que c’est
l’huile essentielle d’une lavande sauvage fort commune en languedoc. Mais il
est difficile de se persuader que si cela était, on pût l’avoir à si bon
marché. Il y a plus de chances, comme plusieurs l’assurent, que c’est une huile
éthérée de térébenthine, dans laquelle on a fait macérer des fleurs de cette lavande
sauvage. Si cela est, on peut se servir indifféremment d’huile d’aspic ou
d’huile de térébenthine dans toutes les opérations des vernis.
La méthode
suivante se trouve dans un livre français fait par un auteur de ma
connaissance. Prenez quinze onces d’esprit de vin rectifié (d'alcool rectifié), deux onces de gomme-laque en poudre et deux
onces de sandaraque. Mettez le tout dans un matras. Faites-le digérer au
bain-marie et filtrez au travers d’un linge. On détrempe toutes sortes de
couleurs avec ce vernis, mais avant de l’employer, le bois doit être couvert du
vernis suivant : huit onces d’huile d’aspic, cinq onces de sandaraque en
poudre, le tout étant bien mélangé sur le feu. On en enduit tout chaud la pièce
que l’on veut vernir. Lorsqu’elle est sèche, on y met le vernis coloré dont on
a parlé auparavant.
Dans le Traité
des secrets d’Alexis Piémontois, liv.5. pag.80, il est dit: prenez du benjoin subtilement pulvérisé, versez
dessus de (1) l’eau ardente (alcool) jusqu’à ce qu’elle surnage de
trois ou quatre doigts. Ce vernis a un
grand éclat et sèche promptement. Si on le veut transparent, il ne faut prendre
que la seule (2) amande de benjoin, mais pour le faire de la couleur or, il n’y
a qu'à y mettre un peu de safran.
(1) Eau-de-vie,
liv.5. Page 85 Edit d’Anvers.
(2) Le benjoin
ressemble à des amandes engagées dans du mastic et rompues. C’est sans doute de
cette espèce d’amandes blanches qu’il faut employer pour le vernis transparent.
Le cavalier Fioravanti, chap.69. Liv.5. dit : prenez benjoin, sandaraque et mastic et pulvérisez-les bien. Mettez
dessus de l’eau-de-vie et faites digérer ce mélange à un feu doux ou au soleil.
Les gommes se dissoudront facilement et formeront un vernis très brillant et
qui sèche promptement. Le Frère Dominique Aude, chanoine régulier du St Esprit,
liv.2 page 156, parle en ces termes : prenez une livre d’esprit de vin rectifié, quatre onces de gomme-laque et deux onces
de sandaraque pulvérisée. Faites-les dissoudre dans l’esprit de vin et filtrez
dans un linge. Il ajoute la façon de s’en servir, qui est la même que celle du
livre français que nous avons cité ci-dessus. Il dit de plus que ce vernis ne
craint ni l’eau ni le feu, mais ce dernier n’est point vrai.
Voici une autre
opération rapportée par un lithuanien : trois onces de sandaraque, une once de camphre,
une once et demie d’ambre (1) trois onces de térébenthine cuite et endurcie.
Pulvérisez le tout, faites-le dissoudre dans l’esprit de vin, et vous aurez un
excellent vernis.
Un cavalier
allemand m’a donné la recette suivante d’un vernis pour mettre sur les
ouvrages, après les avoir colorés: prenez quatre onces de bonne eau-de-vie et
mettez-la dans un vase de verre assez grand pour pouvoir en contenir deux fois
autant. Faites-la bouillir sur les cendres chaudes, et, tandis qu’elle bout,
mettez-y une once de sandaraque en
poudre; lorsqu’elle sera fondue, jetez-y une once et demie de térébenthine fine, et lorsque le tout
aura bouilli un peu, ce sera un très bon vernis.
(1) C’est ce que
nous appelons fausse colophane, qui est en effet une térébenthine cuite et
durcie par l’évaporation de ses parties les plus onctueuses.
Dans l’épitomé
cosmographique du Père Coronelli de l’ordre de ST- François, page. 402, on lit
ceci : pour faire le vernis apporté de la Chine, prenez de la gomme-laque, de la gomme copal blanche et de la gomme
commune (une once de chaque sorte). Il faut que la gomme-laque soit
purifiée dans une lessive forte et chaude, jusqu’à ce que la lessive reste
claire. On doit ensuite la laver deux ou trois fois dans l’eau commune et la
faire sécher au soleil. Lorsqu’elle est sèche, on la met en poudre avec les
deux autres gommes et on met le tout dans l’eau-de-vie. On fait bouillir le
tout pendant cinq heures et on obtient un très beau vernis.
Le Père Jean
Zahn, liv.3. C.9. (1) indique une vernis qu’il nomme de la Chine, faisant
dissoudre la gomme-laque dans l’esprit de vin. Il dit aussi la manière de la
purifier afin que le vernis soit clair et transparent. Mais, avec la permission
de ces deux auteurs et même du Père Kirker, qui a publié la première manière de
la purifier, j’ai fait plusieurs fois l’expérience qu’à la vérité, on ôte à la
gomme-laque une grande partie de sa couleur rouge. Mais en même temps elle
reste énervée pour ainsi dire et ne retient plus rien de sa substance
glutineuse et dure, qui est nécessaire pour la composition d’un bon vernis.
Ainsi, lorsque
l’on veut mettre sur les ouvrages colorés un vernis clair, il faut en composer
de très légers. Nous donnerons par la suite plusieurs très bonnes recettes à
cet effet. En attendant, voici la recette d’un vernis qui, selon les diverses
expériences que j’ai faites, est un des meilleurs, tant pour sa dureté quand il
est sec que pour le brillant qu’il acquiert quand il est poli.
(1) Fundamentum
tertium practico mechanicum syntagma III. cap. IX. praxis.1.
pag.161. Oculus artificialis authore R.P.F. Joanne Zahn. Herbipoli 1685.
Il faut dissoudre la gomme-laque dans l’esprit
de vin, comme nous l’avons dit ci-dessus, c’est-à-dire sur un feu fort doux ou
au soleil; mais il faut ajouter à ladite gomme un peu d’ambre et de gomme copal
dans les proportions suivantes : quatre onces de gomme-laque, deux onces
d’ambre, une once de copal, une (1) livre et demie d’esprit de vin et une once
de térébenthine. Quoique que la gomme copal se dissolve difficilement dans
l’esprit de vin, elle y laisse néanmoins une teinture et quelque partie
d’elle-même si on la fait bouillir quelque temps dans un matras lutté ou au feu
de sable. De plus, la térébenthine en facilite la cuisson et perd elle-même
beaucoup de sa graisse, ce qui fait un excellent vernis.
Voici ce qu’un
ami de flandres m’a écrit : pour dissoudre facilement la gomme copal dans
l’esprit de vin, prenez une chopine d’esprit
de vin, deux onces de gomme copal,
un quart d’once de sandaraque, une
demie once de crème de tartre;
mettez tout cela ensemble dans un vase de verre assez grand et bien bouché.
Brouillez-le et faites-le bouillir jusqu’à ce que tout soit dissout. Il y a
quelques différences de l’ordre de ces vernis entre eux, et de celui qui est
suivi dans Pomet L.7, chap.59. Il rapporte cinq espèces de vernis; le premier,
qu’il appelle blanc, est composé d’huile de térébenthine, de térébenthine de
Venise et de mastic. Le second nommé huileux, oglio di spigo est composé d’huile d’aspic, de sandaraque et de
térébenthine fine. Le troisième est composé de sandaraque, de carabé blanc, de
gomme élémi, de mastic et d’esprit de vin. Le quatrième, de couleur or, est
fait d’huile de lin, de sandaraque, d’aloès Socotrin, de gomme gutte et de
litharge d’or. Le cinquième, qu’il nomme de la chine, est composé de
gomme-laque, de colophane, de mastic et d’esprit de vin, mais il ne dit ni la
dose des ingrédients, ni la manière de les unir ensemble. Il nous suffit de les
avoir indiqués et passons présentement à d’autres plus sûrs et plus
expérimentés.
(1) La livre de douze onces
Outre les vernis
dont nous avons parlé ci-dessus, qui sont faits avec l’esprit de vin, la sandaraque
et la térébenthine, il est possible d’en faire d’autres qui ne tachent en
aucune façon lorsqu’on les applique sur les ouvrages, parce qu’ils ne
contiennent point de gomme-laque qui fait ordinairement un oeil rouge, mais au
contraire leur donnent plus de brillant et d’éclat.
Le Père Zahn,
dont nous avons parlé ci-dessus à la seconde pratique, chap.9, en décrit une
recette, à savoir : dix onces d’esprit de vin, deux onces de sandaraque et deux
de térébenthine commune ou de Venise, cette dernière étant la meilleure. Il
ajoute une autre composition pour le même effet qui, d’après lui, est plus
parfaite, à savoir : deux drachmes (ancienne
mesure de masse : environ 3,825gr) de gomme animé, de gomme élémi, d’encens
blanc et d’ambre blanc. Après les avoir réduites en poudre subtile, versez
dessus du vinaigre distillé, faites cuire le tout ensemble et versez ensuite le
vinaigre par inclinaison. Après avoir lavé la matière avec de l’eau chaude
jusqu’à ce qu’elle soit bien blanche, faites-la sécher. Ensuite mettez-la en
poudre en y ajoutant deux drachmes de gomme adragante (qui découle d'arbres genre astragalus provenant d'Asie mineure) et
quatre de sucre candi. Mettez ensuite le tout dans un livre d’esprit de vin (d'alcool), agitez le vaisseau de temps
en temps et faites bouillir ce mélange au bain marie pendant deux heures.
Lorsqu’il est retiré du feu, laissez-le reposer quelques temps, afin de faire
précipiter les matières grossières et versez par inclinaison ce qui surnage. On
obtiendra ainsi un vernis très claire et fort bon.
Le même auteur
assure qu’il existe d’autres vernis rapportés dans l’Arte vetrarie expérimentale de Jean Kunckel, mais n’ayant pu le
trouver dans toute l’Italie, je n’ai rien pu rapporter.
(1) Pag. 161. Accipe spiritus vini bene rectificati Unc. 10. gummi sandracea
pulverisati et terebentina veneta ana.
uncias 2. ac impone vitro, etc...
Oncie
dieci di spirito di vino, concie due di sandracea, edue di terebintina, ô sia
Oglio d’Abezzo il quale è migtione, etc...
J’ai traduit Oglio d’Abezzo par la
térébenthine de Venise, Parce qu’il apparaît que par ce passage et par tout ce
qui suit, que ce ne pouvait être autre chose, puisque nous confondons en France
celle de Venise et celle de Chio.
Voici une autre
composition qui m’a été envoyée de France par un ami. On prend deux onces de
copal, deux onces de sandaraque et une de mastic. On pulvérise le tout et on le
fait bouillir avec un demi septier
d’esprit de vin dans un vaisseau de verre bien bouché. On obtiendra ainsi un
vernis très clair.
Un religieux de
St. François avait coutume de faire des fleurs avec du papier peint pour orner
les autels. Il leur donnait un fort bon brillant avec le vernis suivant :
on prend de la gomme arabique dissoute en eau
commune, de la sandaraque dissoute en eau-de-vie chaude, un peu de sucre candi
et un blanc d’oeuf mêlé à la gomme. Il faut bien incorporer le tout et on
obtiendra un vernis très brillant, surtout pour le papier.
On fait un autre
vernis clair en mettant dans une livre d’esprit de vin : quatre onces de
sandaraque, une demie once de mastic, une once de camphre et en mettant le tout
à digérer sur feu lent.
On en fait une
autre sorte un peu différente avec quatre onces d’ambre blanc, une once de
mastic en larmes, une once de copal et gomme animée. On fait dissoudre ces
gommes avec une once d’esprit de vin dans un vase de verre bien bouché sur les
cendres chaudes ou au soleil et on en fera un vernis très blanc.
La composition
suivante est encore fort bonne. Etant mise sur les couleurs, elle ne les tache
point, mais elle forme dessus une
épaisseur qui peut se polir de façon
qu’il semble que ce soit un cristal mis sur la couleur. En voici la
composition : il faut premièrement un blanc d’oeuf que l’on fait sécher au
soleil ou à la tramontane (Au vent du
Nord) sur un plat de faïence, où il deviendra dur comme de la gomme et se
conservera autant qu’on le veut. Prenez une drachme de ce blanc d’oeuf, une
once de sandaraque blanche, deux drachmes de mastic blanc, une demie drachme de
camphre. Réduisez le tout en poudre et mettez-le dans une demie livre d’esprit
de vin au soleil où sur feu doux. Lorsque tout sera dissout, filtrez dans un
papier gris. Si l’on en veut une plus grande quantité, il n’y aura qu’à doubler
la dose et on aura un vernis clair et excellent.
Il se fait un
autre vernis avec du blanc d’oeuf. On prend un blanc d’oeuf vieux, on le bat
jusqu’à ce qu’il se soit élevé beaucoup d’écume que l’on rejette comme inutile.
On prend ce qui reste au fond que l’on y incorpore avec du sucre candi et de l’eau-de-vie,
et l’on obtiendra un vernis très clair;
Dans le Miscellanca Curiosa de la huitième année
publiée en 1689 par Jean Daniel Grière Gegere, on rapporte une forte de vernis
clair, propre à conserver les insectes et les empêcher de se corrompre. Prenez
dit-il une livre d’esprit de vin et un peu d’ambre transparent, faites digérer
ce mélange au bain marie pendant quarante huit heures, puis ajoutez-y un peu de
sandaraque et un peu de térébenthine. Faites dissoudre le tout en le tenant
vingt quatre heures au bain marie. Prenez ensuite l’insecte et ôtez-en le
dedans, puis baignez-le pendant quelques jours avec le l’esprit de vin, dans
lequel vous aurez dissout un peu de sucre candi. Ensuite enduisez-le plusieurs
fois du vernis ci-dessus, jusqu’à ce qu’il devienne comme un verre qui
l’enveloppe. L’insecte ainsi préparé durera très longtemps sans se gâter.
Il y en a qui
font un vernis très clair pour mettre sur les estampes sans les toucher
immédiatement, mais qui s’étend sur un voile que l’on place devant elles comme
un verre, de la manière suivante : on étend une gaze blanche sur un métier ou
châssis et on l’enduit des deux côtes avec le vernis suivant : on prend de la térébenthine fine que l’on
incorpore à froid dans de l’huile d’aspic, les battant continuellement pendant
une demi-heure, jusqu’à ce qu’ils aient pris la consistance d’un blanc d’oeuf.
On les laisse reposer et on verse par
inclination ce qui surnage dans un autre vase. On l’étend ensuite avec un gros
pinceau sur la gaze d’un côté et d’autre, puis avec un couteau de bois ou
d’ivoire sans tranchant, on l’unit également et on laisse sécher la gaze à
l’ombre dans un lieu à l’abri de la poussière.
Lorsqu’elle est
sèche, on peut y donner une seconde couche et on aura une gaze transparente.
On en fait un
autre du même genre et pour le même usage, qui n’est pas moins beau que le
premier, mais qui est très fragile. Il se fait de cette manière : on prend une
once de gomme copal claire et on la pulvérise subtilement. On la met dans un
vaisseau de terre vernissée et on l’incorpore à feu lent avec deux onces de
térébenthine. Lorsque cette composition est devenue bien liquide, on y jette
goutte à goutte trois onces d’esprit de térébenthine et on l’étend sur la gaze
échauffée au soleil ou au feu. Elle deviendra comme un cristal, mais si on la
plie elle rompra.
C H
A P I T R
E V
Du vernis de couleur or
A présent que
nous avons proposé plusieurs sortes de vernis qui sont tous composés avec des
gommes dissoutes dans l’esprit de vin, il n’est pas hors de propos d’en ajouter
quelques-uns qui sont compris dans le même genre et avec lesquels mes corps
argentés deviennent de couleur d’or lorsque l’on les enduit. Cette sorte de
vernis se fait de plusieurs façons et
chacun pourra choisir celle qui lui plaira le plus, leurs couleurs étant peu
différentes les unes des autres, comme l’or battu en feuilles ; l’or en poudre
tout de couleur un peu différente de l’or de monnaie. Voici donc la manière de
faire un vernis de cette espèce : on prend un quart de partie de benjoin, une
partie de mastic et une demie de sandaraque, chacun réduit en poudre. On met
d’abord le mastic à dissoudre sur le feu dans l’eau-de-vie, après quoi on met
la sandaraque et puis le benjoin. Lorsque les matières sont réduites en liqueur,
on y ajoute un huitième de térébenthine fine, une coquille de noix et d’aloès
Socotrin. Lorsque cette composition aura pris une belle couleur, on l’ôtera du
feu et on en enduira les ouvrages argentés. D’autres se servent de benjoin,
d’aloès en poudre et d’un peu de safran, le tout dissout dans l’eau-de-vie. De
ce vernis on donne aux ouvrages argentés plusieurs couches, laissant bien
sécher la première avant de donner la
seconde.
J’ai un ami en
Allemagne, très habile chimiste, qui m’a donné une autre composition, qui, a
son avis, est très bonne et qui se fait de la manière suivante : on fait fondre
deux onces d’ambre jaune sur une platine de cuivre, et lorsqu’il est
entièrement fondu, on le met deux ou trois jours au bain de sable, dans
l’esprit de térébenthine, en remuant le vase de temps en temps. On obtient
ainsi un esprit d’une très belle couleur d’or, qui, étant mis sur le corps
argenté, sèche très rapidement.
La composition
suivante est très bonne également : une once de gomme laque, deux drachmes
d’aloès Socotrin en poudre, huit onces de térébenthine, une livre (Cette livre n’est que de douze onces, car
c’est celle de Rome et de toute l’Italie) de sucre en poudre fin.
Incorporer le tout ensemble et le filtrer dans un linge. On peut le conserver jusqu’à
son usage.
Mais il y a un
vernis que j’ai plusieurs fois expérimenté avec beaucoup de succès, et que je
préfère à tous les autres. Pour le préparer, je me suis toujours, basé sur
l’expérience, qui, étant la maîtresse universelle, enseigne ce qu’il faut
augmenter ou diminuer pour arriver à la perfection. En voici donc la
composition : faire dissoudre la gomme
laque dans l’esprit de vin ;
mettre dans le même vase de la Curcume
réduite en poudre (Curcume est le rhizome
d'une herbe vivace d'Asie orientale, également appelée Fouchet des Indes. Cette
racine est extrêmement dure; on la nomme aussi terra mérita. Elle colore d'un
très bel orange à prisme bleu.)
Ajouter un peu
de safran sec et pulvérisé, du sang de dragon en poudre. (Le sang de dragon est la résine d'un arbre
de la famille des calamus nommé Dragone qui naît dans les campagnes de
Carthagène au Pérou. Très soluble dans l'alcool, l'éther, les huiles grasses,
il colore les vernis en rouge sang).
Cette
composition étant donc bien dissoute et incorporée à une chaleur douce, on la
laisse reposer quelques temps pour déposer les résidus. On se sert pour vernir
de ce qui surnage où, si on veut le vernis plus clair, on le filtre avec un
papier gris avant de l’employer. Il faut qu’il soit un peu échauffé au soleil.
Couvrir l’argent hardiment sans le rebrouiller avec le pinceau. On laisse
ensuite sécher l’ouvrage au soleil. Quelques heures après séchage, donner une
nouvelle couche. On recommence cette opération jusqu’à ce que l’on approche de
la couleur désirée. Pour cela, changer les proportions en ajoutant soit du
safran, soit du sang de dragon.
En Angleterre,
en France et en d’autres pays, on emploie pour les boîtiers de montres un
vernis, qui, déposé sur l’argent le fait paraître d’or, et même sur le laiton on obtient une très belle couleur.
En voici la composition : prendre deux onces de
gomme laque, deux onces de carabé jaune, deux onces de gomme gutte, quarante grains de sang de dragon en larmes, un demi
drachme de safran, quarante onces d’esprit de vin. Réduites en poudre,
les gommes se mettent en infusion avec l’esprit de vin dans un vase de verre
bien bouché. On les fait digérer quelques temps au soleil ou au bain de sable,
en remuant souvent le vase; ensuite on le filtre dans un linge. Pour s’en
servir, on doit chauffer la pièce d’argent ou de laiton qui, avec ce vernis,
prendra la couleur de l’or.
Tous les vernis
employés ci-dessus sont employés par plusieurs artisans, peintres, dames et
cavaliers pour leur divertissement, et souvent sous le nom de vernis chinois.
Mais il sera facile de voir, selon le rapport du Père Martini, dans le premier
chapitre de ce petit traité, combien chacun s’est trompé en indiquant qu’il
s’agit du véritable vernis chinois.
Il sera utile
d’avertir que, dans les opérations des vernis enseignés ci-dessus qui se font
avec l’esprit de vin, il faut qu’il soit parfait et déflegmé, voire même le
rectifier après la distillation. Cela se fait en suspendant dedans un morceau
de sel de tartre (1) de façon qu’il
ne touche point le fond du vaisseau. Ce sel attire tout le flegme et le sépare
de l’esprit qui surnage au-dessus. Lorsque cette séparation sera faite, il faut
le passer dans un entonnoir de verre, afin de boucher l’entonnoir avec un
bouchon sur lequel on pose un peu de coton, dès que le sel dissout dans le
flegme est entièrement passé. Le même sel pourra servir une autre fois.
(1) Cette précaution est inutile; il
suffit de mettre sel de tartre dans l’esprit de vin, et de l’y laisser quelques
temps. On versera ensuite l’esprit par inclination ou un le filtrera de la
manière indiquée. Il serait même préférable de le mettre avec le sel de tartre
dans un alambic de verre et de le distiller au bain marie.
C H
A P I T R
E V I
LES INGREDIENTS QUI ENTRENT
DANS LA COMPOSITION DU VERNIS CHINOIS ET LA MANIERE DE LE PREPARER
Le Père Martini nous a enseigné que le vernis
chinois est une espèce de bitume semblable à la térébenthine qui découle des
arbres, mais il ne nomme point l’arbre qui le produit. Le Père Pierre
Vanhame de la Compagnie de Jésus, de
nationalité flamande, missionnaire, domicilié à Pékin, indique, dans une lettre
du 10 Février 1697, que ce bitume se nomme Ci, et que c’est une humeur qui
distille de certains arbres qui naissent sur les montagnes les plus hautes, et
seulement dans la province de Suchuan. Cette humeur, que les chinois ramassent
en faisant des incisions dans l’écorce de ces arbres, peut se conserver vingt
ans et plus, si on la garde dans un vaisseau bien fermé, afin que l’air ne la
fasse si sécher, ni pourrir. Il serait possible avec de grands soins de la
transporter, mais les chinois, lorsqu’ils en vendent aux étrangers, ont coutume
de la falsifier en y mêlant d’autres huiles, ce qui fait qu’en peu de mois elle
se corrompt et devient inutile à l’usage qu’on veut en faire. Ce vernis, pur et
sans falsification vaut ordinairement dans ce Royaume, d’après le Père Pierre
Vanhame un teston la livre qui est environ trois jules. (Un teston vaut 20 sols en valeur intrinsèque, et environ 2l. 14s. de
monnaie en France à ce jour) La façon de l’employer est de l’étendre sur le
bois avec un pinceau de crin rude, de le laisser sécher à l’ombre et lorsque la
première couche est sèche, on peut en donner une seconde et une troisième si on
le juge nécessaire. Ainsi est le contenu de la lettre.
Présentement, il
faudrait savoir si, avant d’employer ce bitume, il faut le préparer et le
disposer à cette opération. Le Père Vanhame ne l’a pas indiqué; peut-être
l’ignorait-il ? Je l’ai moi-même appris d’un ami qui a vécu quelques temps en
Chine et qui, à plusieurs reprises, a vu faire l’opération de la manière
suivante : prendre soixante onces de Chiaram cru (par ce mot portugais, il
entend le vernis tel qu’il découle des arbres et qui se nomme Ci en Chine) et
autant d’eau. On met le tout dans un vaisseau de bois qu’on laisse un jour
entier au soleil en été, ou deux jours en hiver. On mêle bien le tout avec une
spatule en bois et ensuite, on le conserve dans un vaisseau de porcelaine
bouché avec de la vessie mouillée. Il se nomme en Portugais, Chiaram cuit.
En second lieu,
préparer de l’huile appelée Girgili, qui se tire par pression d’une graine du
même nom, de la même façon qu’en Europe on fait l’huile de graine de lin. En
Chine, cette huile sert pour les aliments, en l’absence de l’huile d’olives. On
trouve cette graine également en Sicile, où elle se nomme Giurgiulena. Mélangée
au miel, on en fait une préparation culinaire. On cuit cette huile de manière à
ce qu’elle devienne un peu jaune et épaisse. Lorsque l’on veut composer le
vernis, on prend soixante onces de Chiaram ou Ci cuit, soixante dix grammes de
Girgili. On les mêle au soleil dans un vaisseau de bois, et si l’on veut que le
vernis soit noir, on y ajoute quelques drachmes de vitriol dissout dans de l’eau.
Le vernis est alors prêt à l’emploi. Il est utile d’avertir que le vaisseau a
ordinairement cinq à six palmes de long et deux de large, afin qu’avec la
spatule, on puisse bien brouiller le bitume et l’agiter de côté et d’autre.
Quelquefois,
avant de mettre ce vernis sur le bois, les chinois donnent une première couche,
comme ont coutume de faire les peintres avant de peindre de la manière suivante
: Ils prennent du sang de cochon qui, en Chine, ressemble au veau d’Italie et
mêlent celui-ci avec de la chaux vive en poudre. Ils couvrent le bois de ce
mélange ainsi que nous le faisons avec du plâtre ou de la colle, puis, après
séchage, le polissent avec une pierre ponce ou quelque chose de semblable. Mais
en ce qui concerne les bois durs sur lesquels il n’est point nécessaire de
mettre cette composition, ils y donnent une couche de l’huile cuite citée
ci-dessus. Lorsqu’elle est sèche ils y mettent le vernis. Sur les superficies
planes et étendues, comme écritoires, tables etc. Ils ont coutume d’y coller bien
proprement un papier uni tel qu’est celui de la Chine. Après l’avoir lissé avec
une dent, ils y appliquent le vernis qui reste très uni, les chinois
n’employant aucun autre moyen pour le polir, ce vernis s’étendant de lui-même
et la superficie demeurant fort égale. Ils ont seulement soin, lorsqu’il est
bien sec, de le frotter avec un linge.
Tout ceci m’a
été confirmé , en tant que témoin oculaire, par le Père Armand Bryel, de
nationalité française, qui est venu de Rome en 1716.
Le Père
Louis-le-Comte avait publié une partie de ces instructions en 1690. Dans ses
lettres adressées à plusieurs personnes en France, il citait les choses qu’il
avait observées au cours de son voyage dans le Royaume de Chine. Il est
intéressant de rapporter ici ce qu’il dit du vernis chinois dans sa lettre
adressée à Mme la duchesse de Bouillon, sur la noblesse et la magnificence de
la Chine. Il y dit page 211, que le vernis est très commun à la Chine, et
qu’ainsi beaucoup se trompent, en croyant que c’est un secret de l’art, alors
que ce n’est qu’une humeur, qui comme une résine, découle d’un arbre. Pour
l’employer, il suffit de le mêler avec plus ou moins d’huile, selon que
l’artiste le juge à propos. On couvre le bois de ce vernis qui le garantit des
tâches et de l’humidité, et le fait paraître très beau, brillant et de la
couleur désirée en y délayant la couleur qui en donnera le résultat.
Quelque bois que
ce soit, étant enduit de ce vernis, doit être séché et ensuite recevoir au
moins trois couches du même vernis. Si le bois n’est pas bien poli, les veines
apparaissent au travers du vernis. Pour l’éviter et obtenir un résultat
parfait, il est nécessaire de couvrir plus d’une fois, voire même faire un lit
de la première couche en y mêlant quelques poudres. On peut aussi couvrir le
bois d’un papier collé avec le vernis même, ce qui donne à l’ouvrage un aspect
fini, poli et luisant comme du verre.
Lorsqu’il est
sec, les chinois oint coutume d’y faire des ornements de fleurs et des
arabesques d’or et d’argent. Après séchage, ils les recouvrent d’une légère
couche de ce vernis très clair, ce qui les défend de la poussière et de
l’humidité. D’autre part, s’il tombe dessus de l’huile, de la graisse ou autre
chose, on peut le laver avec un linge mouillé. D’après le Père le Comte, on emploie
le même vernis au Tonkin et au Japon.
Après avoir reçu
de si bonnes information, j’en ai fait moi-même l’expérience. S.A.R. Cosme III,
grand Duc de Toscane, ayant reçu une quantité considérable de ce Chiaram et de
l’huile dans des vaisseaux séparés,j’ai pu en obtenir une bouteille de chaque,
afin de faire l’essai en suivant les consignes indiquées dans la lettre
précitée, et les conseils donnés de vive voix par ces Père qui avait fait un
séjour à Rome. Toutefois, j’ai travaillé avec des précautions infinies, afin
d’éviter l’accident qui arrive en Chine et qui peut également arriver à
Florence. En effet, ceux qui travaillent à ce vernis sans y être parfaitement
accoutumés ou sans avoir le contrepoison nécessaire. En effet, lorsqu’un homme
en a inspiré ou avalé une certaine quantité, il gonfle et manque de
respiration. C’est pourquoi je l’ai touché en aucune façon et en évitant
l’odeur avec soin, et je l’ai étendu sur le bois et sur le papier avec la même
facilité que j’aurais employé de l’huile de lin cuite avec un pinceau, et il
est devenu de lui-même très uni et brillant. J’ai fait la même expérience en
mettant ce vernis dans un lieu fermé, où la poudre ne pouvait pas tomber
dessus. Après l’avoir laissé sécher, je le trouvais au bout de quelques semaines,
non pas tout à fait endurci, mais sec de façon qu’étant touché avec le doigt,
il n’y restait aucune marque.
Je dois avertir
ici que pour cette opération, je me suis servi de la règle qui m’ait été
donnée, c’est-à-dire prendre deux parties de Chiaram et une d’huile qui ne sert
à autre chose qu’à le rendre plus liquide et plus facile à étendre avec le
pinceau. Ce Chiaram étant de consistance semblable à la térébenthine ou à
l’huile cuite, de laquelle se servent les imprimeurs d’estampes, et l’huile
cuite de Giurguli ressemblant tout à fait à l’huile de lin que les peintres
emploient.
Il est utile
d’indiquer le remède dont les chinois se servent avant de commencer
l’application de ce vernis. Ce conseil m’a été communiqué par un ami établi en
Chine. On prend des plumes de poule, on les fait bouillir quelques temps dans
l’eau, et avec cette décoction , on se lave le visage et les mains, avant et
après le travail, laissant la peau sécher d’elle-même, sans l’essuyer avec du
linge ni autre chose de semblable.
J’ai également
fait l’épreuve de mêler d’autres couleurs à ce vernis (1) sans le noircir, et
j’ai trouvé qu’elles s’y incorporent toutes très bien et avec autant de
facilité qu’avec l’huile de lin ou de noix crue ou cuite.
(1)
Il
se noircit avec le vitriol, comme on l’a vu ci-dessus.
(2) C H A P I T R E V I I
LE VERNIS UTILISE AU JAPON
Après le
précédent examen et l’épreuve faute du véritable vernis de Chine, un ami
demeurant aux Indes orientales m’a envoyé un texte en langue portugaise un peu
barbare, concernant le vernis utilisé au Japon, pays peu éloigné de la Chine,
avec lequel les gens du pays peignent les tables, coffres, bureaux, plateaux et
autres meubles, quoique qu’en ce qui concerne les arabesques dorés, ils n’aient
pas le perfection des chinois. Les écritoires, importés du Japon, qui
ordinairement se vendent à Bengale, villes des Indes orientales, sont en
principe ornées de feuillages, parmi lesquels ils ont coutumes d’enchâsser des
morceaux de couleur changeante, que l’on croit communément être la nacre de
perles. C’est une erreur; se sont des fragments de coquille très mince et
tendre dont j’ignore le nom. On peut en trouver de presque semblables avec une
coquille Bivalve dans la mer Trapani
en Sicile; on la nomme Sartanielle. Elle est de la figure marquée dans mon
traité des coquilles, n° 58 de la seconde classe des bivalves, ou composée de
deux pièces pareilles comme les Trenilles et d’autres semblable.
Etant
recueillie, la matière dont on fait le vernis au Japon se nomme Utuxi. On tire
cette matière d’un arbre particulier, comme celui de la Chine, à la fin de
Septembre, qui est normalement la huitième lune des Japonais. On la recueille
de la manière suivante : faire des incisions profondes dans l’écorce de
l’arbre, depuis le haut jusqu’en bas. Lorsque la liqueur commence à distiller,
à l’aide d’un instrument de fer ou de bois, on la fait couleur dans un vase de
porcelaine, puis on la couvre avec un papier trempé dans l’huile. Cette liqueur
n’est point noire, elle tire plutôt sur le blanc. Lorsqu’on la recueille, il
est préférable de ne point la toucher, car elle provoque d’horribles
démangeaisons et une douleur considérable, et fait venir énormément de boutons.
J’ignore si cet arbre est de même espèce que ceux qui produisent le vernis en
Chine. A mon avis il est différent, car au Japon on le cultive pendant sept ans
avant d’en tirer le vernis, alors que celui de la Chine en donne tous les ans.
D’autre part, il est grand comme les pins et sapins d’Europe et ne demande
aucun soin particulier pour le cultiver.
Lorsque l’on
veut employer le vernis du Japon, il faut premièrement le disposer et le
préparer de la manière suivante : on le filtre deux fois au travers d’un linge
en prenant bien garde de ne point le toucher. Pour cela, on le presse entre
deux planches; ensuite on l’étend avec un pinceau sur le sujet à vernir et on
laisse sécher. Après l’avoir filtré une
autre fois au travers d’un linge dans lequel on aura mis un paquet de soie ou
de coton, on redonne une seconde couche. On donne suite la troisième couche de
la façon suivante: on filtre deux fois le vernis, et sur trois parties, on en
met une (1) d’eau. On met ce mélange dans un vase proche du feu et l’on remue
avec une cuillère, jusqu’à ce que l’eau soit bien incorporée avec le vernis. Ce
vernis, remué pendant un jour entier sur le feu devient noir. Lorsqu’il est
parfaitement noir, on y incorpore de l’huile appelée Gingiulea. J’ignore quelle
sorte d’huile c’est, mais je ne crois pas qu’elle soit différente de celle
utilisée en Chine.
(1)
Il
parait assez extraordinaire que l’on mêle de l’eau dans ce vernis qui est de
nature oléagineuse.
CHAPITRE VIII
La façon d’employer le vernis précédent
Le bois
ou n’importe quelle autre matière sur laquelle on veut mettre du vernis, doit être poli et très
uni. Lorsque la superficie en est recouverte, ils ont coutume d’étendre dessus
un morceau de toile fine enduite de ce vernis du côté où ils l’appliquent sur
le bois. Par ce moyen, elle reste attachée comme elle le serait avec une autre
colle. Pour être assuré de cela, j’ai rompu quelques ouvrages venant du Japon
garnis de cette toile, mais très mince, et d’autres de papier collé avec le
même vernis sur le bois. Lorsque la toile est appliquée, on enferme l’ouvrage
dans un coffre ou une armoire afin que la poussière ne puisse pénétrer. On
laisse bien sécher, puis on commence à couvrir la toile de plusieurs couches,
en laissant toujours bien sécher la première avant d’y mettre le second, afin
que chacune puisse bien endurcir.
C H
A P I T R E I
X
Observations sur les vernis
précédent
Il apparaît
difficile de composer en Europe un
vernis ayant les mêmes propriétés que celui de la Chine.
La raison est
qu’il est impossible de trouver en Europe des arbres de la même espèce que ceux
qui le produisent là-bas.
De plus, le
transport de ce vernis est très difficile car les chinois sont fort jaloux de
leur production en raison du profit qu’ils retirent en vendant leurs ouvrages
aux étrangers.
Lorsqu’on leur
demande d’exporter ce vernis, ils le falsifient et le mélange avec quelque
autre liqueur qui le corrompt et le rend impropre pour effectuer un travail
très perfectionné.
Toutefois, il
m’a été rapporté que les marchands anglais en transportent une importante
quantité destinée à réaliser ces ouvrages, et que cette marchandise passe pour être de Chine.
Une personne
compétente, attirée par les arts libéraux, m’a suggéré de faire importer en
Europe quelques-uns de ces arbres produisant le vernis chinois.
Beaucoup de
simples et d’arbres fruitiers provenant des Indes orientales et d’Amérique se
sont adaptés en Europe. Ainsi, dans un lieu où le climat serait identique à
celui de la Chine, ces arbres pourraient fructifier et produite un même vernis.
Cette expérience
n’ayant pas encore été tentée, je la crois un peu chimérique et impraticable,
et il serait peut être plus judicieux de trouver une composition de vernis
ayant les mêmes qualités et les mêmes propriétés que celui de la Chine.
Au préalable, il
est nécessaire de revoir les propriétés précitées, afin de les expliquer de
façon plus précises.
Le vernis
chinois :
1°) composé d’un
bitume (résine ou huile végétale),
2°) ce bitume
est purifié et préparé à la chaleur du feu ou du soleil
3°) le bitume
est amolli et liquéfié avec l’huile végétale jusqu’à ce qu’il puisse
s’appliquer au pinceau
4°) cette
composition est de nature à sécher d’elle-même, assez rapidement
5°) Lorsqu’elle
est sèche, elle est dure, inaltérable et impénétrable à l’humidité ou à quelque
dissolvant que ce soit
6°) elle adhère
fortement au bois, au métal ou à la pierre, et ne peut s’enlever qu’à l’aide du
fer ou du feu.
En dernier lieu,
elle est d’un brillant merveilleux.
En conclusion et
à l’examen de ces propriétés, on s’aperçoit qu’il est difficile, à défaut des
mêmes ingrédients, d’obtenir quelque chose ressemblant à ce vernis.
Dans toutes les
parties du monde, avec des oléagineuxs, on a essayé de l’imiter sans jamais y
parvenir. Il est toutefois utile de rapporter quelques uns des différents
moyens mis à l’essai qui m’ont été indiqués.
En premier lieu,
il faut remarquer que pour le vernis huileux, toutes les gommes citées au
chap.2 ne sont pas bonnes. On ne doit choisir que celles qui n’ont pas ou très
peu d’humidité aqueuse, et qui, en même temps, abondent en oléaginosité
visqueuse. Ensuite, on doit chercher une huile avec laquelle elles puissent
être dissoutes et intimement liées, et qui ait une certaine facilité à sécher.
C’est pourquoi
parmi toutes les huiles, il parait difficile d’en trouver de meilleure et de
plus commune que l’huile de lin.
Pour obtenir un
excellent vernis, le plus approchant de celui de la Chine, je crois qu’il n’est
point d’huile plus appropriée.
Avant de le
décrire, il est utile de connaître plusieurs compositions de vernis huileux qui
m’ont été indiquées par des amis, où dont j’ai eu connaissance par
l’intermédiaire de différents auteurs.
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Les différentes compositions
de vernis huileux
Le Père Jean
ZAHN, tom.3 de son oculus artificialis, page
166, enseigne une composition de vernis huileux très rare et très brillant.
Prendre deux
drachmes de gomme élémi, de gomme animé, d’encens blanc et d’ambre blanc. Les
pulvériser et les faire digérer dans un vase de verre avec du vinaigre
distillé. Y ajouter deux drachmes de gomme adragant et quatre de sucre candi.
Faire dessécher le tout et le réduire en poudre. Incorporer à cette poudre une
livre d’huile d’aspic ou de térébenthine, et y ajouter six onces de
térébenthine de chypre. Faire cuire le tout au bain marie.
Lorsque la
térébenthine sera dissoute, y mettre les poudres et bien les mêler avec une
spatule.
Faire bouillir
pendant trois ou quatre heures et vous obtiendrez un vernis très rare et très
précieux.
Le même auteur,
dans un autre endroit, en donne une autre version :
- Sume olei spicae nardi, vel hujus loco olei
térébentinae libram unam.
- Una libra di oglio di spigo overo di trementina.
Prendre deux
onces d’huile d’aspic, une once de mastic et de sandaraque pulvérisés, une
demie once de térébenthine. Mettre à bouillir l’huile au bain marie;
lorsqu’elle sera bien chaude y ajouter la térébenthine et après dissolution,
ajouter les poudres de mastic et de sandaraque; bien mélanger le tout à feu
très lent, et au bain-marie, car cela prend feu facilement.
Le cavalier FIORAVANTI,
dans son troisième livre des secrets, chap. 95, enseigne celui qu’emploieraient
les turcs pour les arcs et les carquois, à savoir :
Prendre une
partie d’huile de lin et trois parties de poix grecque; faire bouillir à feu
lent jusqu’à mélange complet.
A cette
composition, mêler les couleurs désirées et en enduirent les ouvrages (1)
(1) On porte à Rome, la nuit dans les rues, de
petites lanternes qui sont noires et dont la monture qui est de fer, est
couverte de ce vernis.
Il y a un autre
vernis qui est en usage chez les
imprimeurs, et qui se nomme vernis d’ambre. Il n’est autre que la préparation
précédente utilisée par les turcs. On s’en sert également pour couvrir les
lames de fer des lanternes et d’autres choses semblables.
Le même auteur,
livr.5, chap. 67, enseigne un autre vernis plus commun, que l’on emploie pour
les ouvrages grossiers :
Prendre une part
d’huile de lin, deux parts de poix grecque, une demi-part de (1) résine de pin.
Faire bouillir
le tout. Afin de savoir s’il est bien cuit, en déposer une goutte sur une
spatule ou un couteau. S’il reste onctueux cela veut dire qu’il n’est pas assez
cuit. Pour être à point, il doit être visqueux.
(1) Poix résine.
Dans le Livre de
Christophe LOVE-MORLEY, imprimé à Lyon sous le titre de Collectanea Chimica Leydenfia, il donne la recette suivante sous le
nom de vernis italien : Prendre huit onces de térébenthine et la faire réduire
sur le feu jusqu’à obtenir une once (1) qui sera dure et fragile. Lorsqu’elle
sera refroidie, la réduire en poudre et la jeter dans l’huile de térébenthine
chaude, afin de l’y dissoudre. La laisser reposer et pour l’utilisation,
prendre en haut la partie la plus claire.
On fait un
vernis que les arabes et les perses utilisent beaucoup. Un prêtre grec m’a
expliqué comment le préparer.
Prendre de
l’ambre oriental appelé sandrus (il entend par ce mot la
sandaraque), et le double d’huile de lin. Faire bouillir à feu lent. Pendant
l’ébullition, y jeter la sandaraque en poudre en remuant sans cesse afin de
faire sortir toute l’écume. Prendre ensuite une once de mastic que l’on fait
bouillir dans une demi once d’huile de lin jusqu’à ce qu’il ait jeté toute son
écume. Mélanger les deux compositions à feu lent, les filtrer et les conserver
jusqu’à leur utilisation. Les ouvrages sur lesquels on appliquera ce vernis
doivent être préalablement peints de la couleur désirée.
Un prêtre
maronite appelé Donato Aldoense, a
écrit d’Alep une autre recette presque semblable, que voici : Prendre une once
d’huile de lin, et une once et demie de mastic de perse. Faire fondre le mastic
de perse et sur feu lent y incorporer l’huile, jusqu’à ce qu’il se forme une
écume blanche. Pour l’utiliser, y incorporer les couleurs souhaitées
pulvérisées et bien mélanger jusqu’à la consistance de miel. C’est un vernis
qui devient extrêmement dur.
(1) Cette
matière est la fausse colophane, qui reste dans la cornue après la distillation
de l’esprit de térébenthine.
En ce qui
concerne ces vernis, Fioravanti explique, dans le chap. 68 de ses Secrets, que
faute de connaître la manière de cuire la préparation, on les manque souvent.
En effet, si
l’huile n’est pas suffisamment cuite lorsqu’on y ajoute la sandaraque, elle se
brûle. Pour obtenir une bonne réussite, cuire d’abord l’huile et la laisser
refroidir. Ensuite, y mettre la sandaraque en poudre et l’incorporer à l’huile
à feu lent.
C’est un
excellent avertissement. Etant donné qu’il y a plusieurs façons de cuire
l’huile, il est utile de connaître celles qui sont le plus en usage.
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Les différentes manières de
préparer l’huile pour le vernis
La manière la
plus commune et la plus universellement pratiquée, est de faire bouillir
l’huile jusqu’à ce qu’elle (1) brûle une plume que l’on y trempe.
Certains y
ajoutent une mie de pain, selon la quantité d’huile à cuire, parce que cela en
absorbe la graisse et la rend plus facile à sécher.
Les imprimeurs
d’estampes, pour la rendre plus épaisse et la faire sécher plus aisément, ont
coutume d’y mettre le feu lorsqu’elle a bouilli quelques temps, jusqu’à ce que
la flamme en ait consumé toute la graisse. Ensuite ils éteignent le feu, et
bouchent avec un linge mouillé le vase qui doit être de cuivre afin qu’il ne se
casse. Cette façon de procéder lui fait acquérir l’épaisseur et la consistance
du miel.
Le Père Zahn de
l’Ordre des Prémontrés, dans le troisième livre intitulé Oculus Artiuficialis, page
165 enseigne une manière de clarifier l’huile de lin, qui, lorsqu’elle est
cuite, devient toujours obscure et d’une couleur approchante de celle de la
noix. On prend, dit l’auteur, de l’oseille que l’on fait bouillir dans l’eau,
puis on la filtre. Cette eau se met dans un vase d’étain, peu profond mais
large. On verse l’huile dessus et on laisse l’été au soleil, pendant quelques jours,
dans un lieu à l’abri de la poussière. Ainsi les faces et la partie la plus
grasse se précipitent dans l’eau.
Par ce moyen, on
obtient une huile beaucoup plus claire. Toutefois, n’étant point cuite, elle
n’a pas la faculté de sécher, ce qui est nécessaire pour le vernis.
(1) On y trempe
la frange d’une plume, et lorsque l’huile est assez cuite, elle roussit la
plume et la fait pétiller. Ainsi préparée, les peintres la nomment huile
grasse.
En Angleterre et
en d’autres lieux, pour obtenir cet effet, ils procèdent de la façon suivante :
Dans un vase vernissé, mettre une livre d’huile de lin, et après en avoir
mesuré la hauteur, y verser autant d’eau. L’huile remonte à la surface.
Enfoncer dans cette huile un sac plein de quelques poudres aux vertus dessicatives distribuées en
parties égales et pour un poids total de cinq onces (terre d’ombre, litharge
d’or, minium et verdet gris). Ces doses ne sont pas absolument nécessaires et
certaines personnes ne se servent seulement que de la litharge ou y mêlent du
minium en petite quantité. Faire bouillir ce mélange jusqu’à évaporation de
l’eau. On s’en assurera en mesurant la hauteur de l’huile qui doit être la même qu’au début de
l’opération. Avant l’évaporation totale de l’eau, il sera utile d’enlever le sac
de poudres, qui, par la chaleur de l’huile pourrait brûler et en ce cas ne
pourrait se mêler convenablement avec les poudres.
Cependant, il y
a des gens qui ne prennent pas tant de peine. Ils mettent la litharge et le
minium à bouillir dans l’huile, et lorsque le tout est précipité au fond et
bien reposé, ils versent l’huile par inclination. De cette manière on aura
l’huile cuite et plus claire qu’à l’ordinaire.
Il faut aussi
savoir que la qualité du vernis huileux dépend de la bonne cuisson et de la préparation
de l’huile, qui doit être de lin et non de noix, cette dernière étant plus
grasse et donc séchant plus difficilement.
J’avais déjà
écrit tout ceci, lorsque je reçu du Père Dominique-Stanislas Pizzari, de la
Compagnie de Jésus, et professeur de philosophie dans la ville de Syracuse, une
autre recette de vernis. Elle est de son invention et il l’a mise en pratique avec beaucoup de succès. Voici cette
recette : prendre de l’huile de lin et la mettre dans un vase. Y tremper par un
bout une mèche de coton plus grosse que celle dont on a coutume de se servir
pour les lampes, et la disposer de façon que l’autre extrémité réponde dans un
autre vase posé un peu plus bas que le premier. On expose le tout au soleil, et
il arrive l’effet du siphon courbé avec lequel on vide l’eau. Cet effet est que
l’huile tombe goutte à goutte dans le
vase inférieur, et devient très claire. Elle perd même beaucoup de son odeur
d’huile.
Ensuite on la
prend et on la fait bouillir avec l’eau comme nous venons de l’expliquer, en y
mettant un petit nouet de toile contenant seulement de la litharge d’or, du
cristal pulvérisé et un peu de céruse. De cette manière, on aura une huile
claire et qui a une facilité merveilleuse à sécher.
Tout ceci se
fait à feu lent, en n’omettant pas d’ôter le nouet des poudres avant que l’eau
soit tout à fait consumée. Presque à la fin de l’évaporation, les bouillons
sont moins véhéments, et lorsqu’elle est tout à fait évaporée, l’huile bout
avec plus de violence.
Cette huile
ainsi clarifiée et disposée à sécher reste excessivement bonne pour
s’incorporer avec les couleurs.
Si l’on désire
que le vernis soit noir et qu’on y mêle le bitume de Judée, il n’est pas
nécessaire que l’huile soit si claire.
Il existe
d’autres façons de donner à l’huile la facilité de sécher, certains le faisant
avec le verre ou le cristal pulvérisés subtilement, d’autres avec (1) l’huile
d’aspic.
On le fait
également avec de l’huile de noix et de la litharge en poudre, en battant bien
le tout dans une bouteille. (2) L’huile d’aspic est desséchante, après celle-là
est l’huile de pétrole, et celle qu’il appellent de (3) Cupaiba, qui distille
d’un arbre du Brésil et qui sert à guérir les blessures. Comme cette dernière
coûte environ (4) un teston l’once, elle n’y a aucun intérêt à en user. Les
peintres s’en servent pourtant au Pérou.
(1) Oglio dirasa.
(2) Oglio dirasa
(3) Baume de Copahu
(4) Environ deux livres
quatorze sols de notre monnaie.
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Vernis huileux différents de
ceux cités précédemment
Il existe un
vernis fabriqué de la façon suivante :
Prendre une once
d’huile de lin distillée à l’aide d’un alambic, trois onces de vernis d’ambre
et incorporer le tout lentement sur le feu. Ce vernis s’emploie chaud. Il est
utilisé de la couleur souhaitée sur les ouvrages déjà peints.
Un autre vernis
est utilisé par beaucoup de gens. On le prépare de la façon suivante : prendre
de l’huile de térébenthine, y faire dissoudre du mastic lentement sur le feu,
et y ajouter de (1) l’huile d’aspic, jusqu’à ce que l’on puisse facilement
employer ce vernis.
(2) Alexis
Piémontois, liv.5 de ses Secrets pag.191, enseigne la façon de préparer les
vernis suivants : prendre une livre de résine de pin grasse et blanche, deux
onces de gomme de Suzine, une once de térébenthine et deux onces d’huile de
lin. Faire dissoudre la résine et la filtrer. Dissoudre la gomme en huile
commune et après l’avoir filtrée, y ajouter la térébenthine. Mêler le tout
lentement sur le feu afin de bien mélanger les matières. Au moment de s’en servir,
faire chauffer ce vernis
Un autre vernis,
qui a la propriété de sécher très vite dès son emploi, se prépare de cette façon : prendre de l’encens mâle et
de la sandaraque, et les pulvériser subtilement. Les mélanger à de la
térébenthine fondue lentement sur le feu; filtrer cette dissolution et
l’employer chaude.
(1) Aqua
di rasa
(2) Cette
recette ne se trouve point dans l’Edition d’Anvers in-4°.
J’ai fait
diverses expériences et compositions, et le nombre augmentant tous les jours,
il m’était impossible de les retenir toutes. Une personne curieuse me
communiqua une recette, qui d’après elle, est très utilisée en Angleterre. En
voici le détail : prendre seize onces d’huile de lin claire, quatre once de
bitume judaïque, une once de mastic. Piler les gommes et les faire bouillir
lentement sur le feu dans un vase de terre vernissé. Dans ce mélange ajouter
trois têtes d’ail bien nettes. La liqueur sera à point lorsque ces têtes d’ail
seront entièrement dissoutes. Filtrer alors cette liqueur dans un autre vase et
y ajouter deux onces de gomme-laque et trois onces d’ambre jaune pulvérisés.
Faire bouillir le mélange à feu lent jusqu’à dissolution totale. Après cette
opération, ajouter un peu d’huile d’aspic ou d’esprit de térébenthine, en
remuant sans cesse afin que le tout se mélange bien. Prendre garde à ce que
cette composition ne soit point trop épaisse, afin qu’elle s’applique
facilement au pinceau. Ce vernis s’applique sur un fond que l’on aura
auparavant noirci avec du noir de fumée et de la colle.
Il existe un
autre vernis quasi semblable, mais plus facile à préparer : prendre quatre
onces d’huile de lin, une once de bitume de Judée et deux onces d’ambre jaune.
Faire cuire le tout lentement sur le feu dans un pot de terre. Filtrer avec un
linge, et recuire jusqu’à ce que ce vernis obtienne la consistance souhaitée.
Dans le livre du
Frère Dominique Auda, chanoine du Saint-esprit, on lit : prendre deux onces
d’huile de térébenthine, une once de térébenthine, un demi dragme de sandaraque
et mélangez le tout lentement sur le feu. Conserver ce vernis jusqu’à son
utilité.
Page 237 du même
livre, il enseigne la façon de faire l’huile de térébenthine, à savoir :
prendre de la térébenthine à volonté, la mettre dans une curcubite avec le
tiers de son poids de sable. Distiller lentement sur le feu. Il en sortira en
premier un esprit clair comme l’argent et ensuite viendra l’huile. (1)
Fioravanti dit que cette opération doit se faire dans une retorte, que pour
chaque livre de térébenthine il faut deux onces de sable, et qu’on procède de
la même manière pour faire l’eau (2) de résine avec laquelle sort l’huile qu’on
sépare ensuite de l’eau.
(1) Cette
opération peut se faire des deux façons; mais l’huile de térébenthine est si
commune, que cela ne vaut pas la peine de la distiller soi-même. D’autre part
cela est dangereux, le feu y prenant facilement et on a beaucoup de peine à
l’éteindre.
(2) Aqua di rasa
Il est
intéressant de décrire le vernis avec lequel on fait les cuirs dorés, qui est
également enseigné par Alexis Piémontois (1), liv.5 page 211 : prendre (2)
trois livres et quatre onces d’huile de lin,. La faire cuire jusqu’à ce qu’elle
brûle une plume. Après cuisson, y mettre huit onces de sandaraque et quatre
onces d’aloès hépatique. Pulvériser le tout et le mettre dans l’huile, en
mélangeant sans cesse avec un bâton. Si le mélange se coagule, il se liquéfiera
en augmentant le feu sans omettre de toujours le remuer. Le laisser bouillir
quelque temps et tester la consistance sur du papier. S’il parait trop clair,
ajouter deux onces d’aloès succotrin et le retirer du feu. Le rejeter ensuite
dans un vase à filtrer. Il restera sur le filtre environ la moitié du vernis
inutile et dont on ne pourra se servir. Conserver ce vernis (qui est passé par
le filtre) dans un endroit non exposé à la poussière, et faites-le chauffer au
soleil au moment de s’en servir.
Après
description de tous ces vernis composés d’huile ou de bitume huileux, on ne
doit pas oublier de citer celui qui a la réputation d’être le meilleur et que
l’on nomme vernis d’ambre. Attention, il ne s’agit pas de celui dont nous avons
déjà parlé, et qui, n’étant composé que d’huile et de poix grecque, porte
improprement ce nom. C’est un vernis qui est effectivement composé de cette
gomme ou de ce bitume. Les auteurs étant en désaccord au sujet de ces deux
qualités, et n’ayant point l’intention de rapporter leurs divers sentiments, je
vais me contenter d’expliquer la manière de composer ce vernis.
Une recette m’a
été communiquée par lettre d’un chimiste domicilié à Ausbourg :
Distiller
l’huile de (3) l’esprit de térébenthine commune. Avec cet esprit, dissoudre
l’ambre après l’avoir fait brûler dans un vaisseau de terre ou de cuivre. Une
fois l’ambre mêlé à l’esprit, remuer sans cesse afin qu’il ne se dissolve pas
seul. On obtient un très beau vernis, et qui sèche promptement.
(1) Il y a quelque différence dans la recette
d’Alexis Piémontois. Il appelle poix grecque, ce qui est ici appelé résine de
pin et demande des doses différentes, pag.81, Edit. d’Anvers 1557.
(2) La livre de douze onces.
(3) En France, nous ne faisons pas de différence
entre l’esprit et l’huile de térébenthine.
Il ne faut pas
oublier que pour fondre l’ambre, il doit être en quantité assez raisonnable,
qu’il ne doit pas être en poudre, et qu’il faut un feu léger et continu.
Un autre
chimiste m’a assuré que l’ambre fond aussi facilement que la cire avec l’huile
(1), qu’on en tire par l’alambic, mais je ne l’ai point expérimenté.
Dans le livre de
Christophe Love-Morley, page 539, il y a une autre recette donnée en ces termes
: Prendre l’ambre subtilement pulvérisé, l’abreuver d’huile de lin et faire
chauffer le mélange jusqu’à ce que l’ambre devienne noir. Ensuite, le jeter sur
une pierre mouillée. Lorsqu’il sera refroidi, le pulvériser et le jeter peu à
peu dans l’huile de lin bouillante. Faire cuire jusqu’à ce que le tout soit
liquéfié.
Dans le livre du
Père Jean Zahn, que j’ai déjà cité plusieurs fois, pag.165, tom.5, il est dit
qu’en prenant huit onces d’huile de lin et quatre onces d’ambre, le mélange se
liquéfie au feu et devient un excellent vernis.. A mon avis, il a écrit cela
avant d’en faire l’expérience. En effet, en suivant cette méthode, l’ambre ne
se dissout pas du tout dans l’huile.
Il donne
pourtant une autre recette page 165, qu’il dit avoir appris d’un sculpteur
demeurant à Wiintzbourg, mais avant que j’eusse lu cet auteur, j’en avais déjà
pris connaissance par le sieur Ferdinand Saint-Urbain, lorrain, habile graveur
de médailles en 1695. Lorsque celui-ci demeurait à Rome, il l’avait vu faire
dans sa propre maison par un allemand qui y séjourna quelques mois. Il m’a
assuré que suivant la même méthode, on pouvait dissoudre et unir avec l’huile,
la gomme copal, qui, de toutes, est la plus difficile à dissoudre.
(1) j’ai fait
cette épreuve, et j’ai distillé de l’ambre par la cornue, une huile noire et
puante. Ensuite je l’ai rectifiée dans un alambic en verre en la distillant
avec de l’eau ordinaire. Elle est devenue transparente, claire comme de l’eau
de vie et d’une odeur agréable. En ayant mis dans un matras, sur de l’ambre
pulvérisé et l’ayant mis en digestion, j’ai trouvé, qu’en effet, elle
s’amollissait. Mais l’huile et l’ambre brunissent, l’ambre s’écrase dans les doigts sans ne conserver aucune union
dans ses parties, et sans pouvoir, par la suite, reprendre sa première dureté.
Il reste toujours comme une espèce de gelée, et par conséquent, on ne peut
faire de cette dissolution aucun usage pour le vernis. La gomme copal ne se
dissout pas mieux.
Voici donc ce qu’il
dit, en latin et que j’ai traduit : "En premier lieu, on doit avoir un
vaisseau de cuivre A.B.C.D. de la forme d’un entonnoir, ouvert en C.D., comme
on le voit sur la première figure, et qui ait en A.B. un couvercle pour pouvoir
le fermer. Il faut qu’à l’endroit F. il y ait un fond percé de plusieurs trous
rapprochés. Mettre dans ce vase l’ambre sans le piler. On attachera le vase sur
une lame de cuivre ou de fer I.K., de façon à ne laisser aucune ouverture. On
peut également le fermer avec du lût en A.B. Il faut ensuite mettre cette
plaque avec le vase A.B.C.D. dans un autre vase de terre ou de cuivre L.M.,
dans lequel il doit y avoir huit onces d’huile de lin.
Si l’on a quatre
onces dans le vase A.B.C.D., cette préparation étant faite, il faut mettre dans
charbons allumés sur la lame de cuivre ou de fer I.K., et d’autres sous le vase
de terre L.M.. Ceci afin qu’en même temps, l’huile y bouille et l’ambre fonde
dans le vase A.B.C.D. Etant fondu, l’ambre coulera par les trous du fond F.
dans l’huile du vase L.M., et en s’unissant avec elle, on obtiendra un
excellent vernis, avec lequel on
pourra couvrir toutes sortes de couleurs et ouvrages dorés. Etant donné qu’il
est un peu jaune, il ne fait de tort que sur les fonds blancs. Il sèche un peu lentement, mais lorsqu’il est bien sec
il est très résistant et est d’un merveilleux brillant.
Je crois que
cette recette du Père Zahn est très bonne, mais elle ne me satisfait point car
elle se fait à l’aveuglette. Il est impossible de savoir si, lorsque l’ambre est
fondu et qu’il tombe par le fond percé, il s’incorpore bien avec l’huile. A mon
avis, il est préférable de faire liquéfier l’ambre à feu lent dans un vase de
terre vernissé, ou de cuivre de grandeur raisonnable. Lorsqu’il est fondu, on y
jette l’huile cuite et chaude avec laquelle il s’incorporera très bien, ce que
l’on peut constater en remuant avec un bâton. Il faut ensuite le retirer du
feu, et comme le vernis sera trop épais, avant qu’il se refroidisse, on y jette
peu à peu de (1) l’huile d’aspic chaude, avec modération, afin que le vernis ne
devienne pas trop faible.
Certaines
personnes aiment mieux mettre une once de poix grecque avec chaque livre
d’ambre, mais je ne trouve pas cela nécessaire, bien au contraire. Je sais par
expérience, que cela rend le vernis plus faible, malgré que cela facilite
beaucoup la dissolution de l’ambre.
(1) Aqua di rasa
D’autres, après
avoir liquéfié l’ambre et l’avoir incorporée avec l’huile (1) au lieu d’eau de
résine, y ajoutent pour seize onces d’ambre, cinq onces d’huile de
térébenthine. Mais l’expérience m’a fait voir que l’eau de résine vaut mieux
que l’huile, qui empêche le vernis de sécher rapidement, parce que l’eau de
résine s’évapore en très peu de temps.
Il faut
remarquer qu’aucun des vernis ci-dessus, quoique propres à faire de très beaux
ouvrages, n’a pas les qualités du
vernis chinois.
Le vernis
chinois ne s’emploie jamais sur la couleur, mais sert de fond sur lequel on
travaille avec l’or et les couleurs, car il n’est point transparent mais
opaque. Etant noir, il couvre parfaitement toutes sortes de couleurs, même
l’argent bruni. De plus, si on le veut d’une autre couleur, elles se mêlent
avec le même vernis qui a beaucoup de corps.
On fait
également d’autres vernis oléagineux, mais sans huile de lin. L’un d’eux est
cité au chap. 32. du liv.3. de l’Epitomé
Cosmographique, publié à Cologne en 1693, par le Père Vincent Coronelli.
Celui-ci assure que ce vernis est très bon pour lustrés les globes célestes et
terrestres lavés de couleurs. Il ajoute que c’est le même qui est utilisé par
les turcs pour leurs arts. En voici sa description :
On prend de la
gomme de Genièvre, qui est la sandaraque, appelée aussi vernis par les
écrivains et on la lave deux fois à l’eau fraîche. Lorsqu’elle est bien sèche,
on la réduit en poudre subtile. On prend deux parties de cette poudre que l’on met dans un vase de verre ou dans
un petit pot de terre vernissé, et on
la fait chauffer sur le feu. Lorsqu’elle commence à fumer, on y ajoute la
moitié de son poids de térébenthine et on la brouille avec un bâton. Ensuite on
ajoute u peu d’huile d’aspic, en mêlant
bien jusqu’à ce que le tout soit parfaitement incorporé. On retire du feu, on
laisse refroidir, puis on y jette peu à peu un mélange de trois parties d’aspic
claire et une d’eau de vie parfaitement déflegmée. On met de ce mélange à
volonté et jusqu’à ce que le vernis soit très clair et n’ai point de corps. Il
sera excellent et très brillant. Si on le désire odorant, il suffit d’ajouter à
la sandaraque un peu de benjoin.
On peut faire un
autre vernis très luisant et séchant facilement, que l'on utilise pour les
peintures et pour le bois. Il est très facile à préparer et peu coûteux, car on
n’utilise seulement pour le faire que de la poix grecque et de l’huile d’aspic.
Si on veut qu’il soit de meilleure qualité, il faut préparer la poix en y
supprimant la graisse qu’elle contient. Pour cet effet, il faut choisir la poix
grecque qui est transparente et ressemble à de l’ambre. Il faut la rompre en
petits morceaux et la mettre à sécher l’été au soleil, sur un linge. On
recommence plusieurs fois l’opération, car le soleil la fond, et ce jusqu’à ce
qu’elle soit devenue sèche et qu’elle ne puisse plus se liquéfier à la chaleur.
Si l’on veut
faire ce travail plus rapidement, voire même l’hiver, il suffit de la fondre
sur le feu et de la jeter toute fondue dans un vase rempli d’eau fraîche. Dans
cette eau fraîche, la manier et la malaxer autant qu’on le pourra puis la faire
refondre.
En faisant comme
la première fois, on trouvera la poix dure et sèche comme l’ambre. Il faut
ensuite la réduire en poudre et la faire dissoudre à feu lent dans l’huile
d’aspic, en remuant avec un bâton jusqu’à ce que le tout soit incorporé. On
obtiendra ainsi un excellent vernis qui, étant employé chaud, s’appliquera
mieux au pinceau.
On compose
également un vernis noir, sans huile, avec l’huile d’aspic, qui ressemble
beaucoup au vernis de Chine. Mais il n’en a pas toutes les qualités.
Il y a quelques
années, un ouvrier, mort à présent, le
préparait à Rome dans la rue des (1) Coronari, et en couvrait des écritoires,
des cassettes et des bureaux qu’il vendait à très bas prix, quoiqu’ils fussent
fort jolis et ornés d’arabesques et de feuillages d’or appliqués avec quelque
(2) mordant. Je connaissais ce vernis étant encore enfant, et depuis quelque
temps, je l’ai trouvé dans des cahiers manuscrits.
On le décrit de
la manière qui suit :
Prendre du
bitume de Judée, le plus brillant que l’on puisse trouver. Après l’avoir
pulvérisé, le mettre sur feu doux dans un vase de terre vernissé, avec de
l’huile d’aspic, en telle quantité qu’elle surnage la matière d’un travers de doigt. On doit remuer sans cesse
jusqu’à ce que le tout soit liquéfié et bien incorporé. On l’étend tout chaud
avec le pinceau, en repassant deux ou trois fois. S’il ne coule pas assez, on y
ajoute un peu d’huile d’aspic. Il se conserve longtemps et lorsqu’on veut s’en
servir, il faut le faire réchauffer.
(1) Petite rue à
Rome, proche de la Place Navone.
(2) Mordant est
une couleur ou quelque vernis, qui sert à attacher l’or en feuille. On l’y
applique lorsque la couleur étant prête à sécher, ne fait plus que s’attacher
faiblement aux doigts. Les peintres nomment or couleur, celles qu’ils
emploient.
On doit d’abord
donner au bois une couche de plâtre tamisé et de colle, de la même manière
qu’en usent les ouvriers avant de le dorer. Ensuite il faut le polir et le
noircir avec du noir de fumée et de la colle de parchemin, puis on y met le
vernis.
Cependant, on
fait un meilleur vernis et plus parfait avec (1) l’asphalte et l’huile de lin,
mais il demande plus de temps pour sécher. Voici comment j’ai appris à le
composer avec l’expérience :
On prend de
l’huile cuite de la manière enseignée ci-dessus, et sur chaque once, on y met
peu à peu une once, ou un peu moins d’asphalte réduit en poudre. On met ensuite
l’huile sur feu lent en remuant longtemps avec un bâton. Puis on la fait
bouillir jusqu’à ce qu’elle devienne épaisse, et qu’en en prenant un peu avec
le bâton, elle ne tombe point goutte à goutte, mais qu’elle file de façon à ce
que le pinceau ne puisse pas l’étendre. On la jette alors dans un plat de
faïence où on la laisse prendre. Lorsqu’on désire s’en servir, on en prend une
portion que l’on fait fondre à feut lent. On y jette ensuite suffisamment
d’huile d’aspic pour qu’elle puisse s’étendre au pinceau.
Ce vernis
donnera à l’ouvrage un beau brillant et un noir parfait, surtout si le bois est
auparavant peint de la façon dont les ébénistes le font pour les bois qui ne
sont point d’ébène. Il est utile d’indiquer cette manière à ceux qui ne la
savent point :
On prend du
campège haché en petits morceaux (c’est un bois qui vient du Brésil) et on le
tient pendant une nuit en infusion dans
une (2) lessive où il n’y a point de savon. Ensuite on le fait bouillir jusqu’à ce que l’on voie la liqueur un peu
diminuée et de couleur foncée tirant sur le pourpre. On teint le bois de deux
ou trois couches de cette infusion. Lorsqu’il est sec, lui donner une couche de
vinaigre dans lequel il ait infusé de la rouille de fer et un peu de vitriol.
Il faut au moins deux couches de ce mélange, et lorsque le bois sera sec, il
faut le teindre de nouveau avec la décoction de campège. On obtiendra un très
beau noir qui doit être couvert ensuite avec le vernis d’asphalte, dont on peut
donner plusieurs couches. On peut aussi étendre ce vernis avec la main et il
deviendra uni et brillant. On doit l’employer froid et le laisser sécher dans
un lieu plutôt frais que chaud.
(1) Bitume de Judée
(2) On fait bouillir des cendres dans de l’eau, on
la filtre et on se sert de cette lessive.
Il faut faire
cas de cette composition et bien s’en souvenir parce qu’elle servira pour
composer le vernis qui, selon moi, se
rapproche le plus en qualité de celui de Chine. Moyennant quoi il devient
inutile d’envier la Chine, puisque nous pourrons faire en Europe et en Italie,
des choses équivalents et aussi précieuses que les leurs, comme nous allons le
voir par la suite.
Avant de finir
ce chapitre, je vais indiquer un autre vernis huileux qui m’a été communiqué
par un ami, mais que je n’ai point expérimenté.
Il faut préparer
les matières suivantes :
Une demie once
et un quart d’once c’est à dire trois quarts d’once de savoir, sandaraque, mastic, benjoin,
gomme-laque, gomme arabique, litharge d’or, térébenthine et poix grecque.
Ensuite on prépare à part, deux onces d’eau de vie déflegmée, huit onces
d’huile d’aspic, deux onces de vernis d’ambre une once et demie d’asphalte et
trois onces d’huile de lin.
Ces ingrédients
préparés, cuire l’huile avec la litharge, dans un pot qui contient une pinte.
Mettre dans un autre petit pot la térébenthine avec la gomme-laque et la gomme
arabique pulvérisés. Ensuite mettre à cuire dans l’huile le vernis d’ambre, la
sandaraque, le mastic et le benjoin bien pulvérisés, et aussitôt après la poix
grecque et l’asphalte, et enfin, la térébenthine avec les gommes liquéfiées.
Mêlez bien le tout à feu lent, puis y jeter peu à peu l’huile d’aspic et, en
dernier lieu, l’eau de vie. Filtrer au travers d’un linge en exprimant bien
entre deux planches tout ce qui pourra sortir, et conserver ce vernis dans un
vase de verre.
On fait un autre
vernis qui demande moins de façons, en prenant une once et demie de vernis
d’ambre, le dissolvant. Lorsqu’il est liquéfié, y mettre une demie once de
sandaraque et une demie once de mastic bien pulvérisés. Mélanger bien le tout à
feu lent, puis y jeter goutte à goutte deux onces et demie d’eau de vie, en
remuant et mêlant bien toujours. Lorsque ce vernis est tiède, le filtrer au
travers d’un linge et le conserver jusqu’à usage.
On peut en faire
un autre en mettant dans l’huile cuite avec la litharge, le vernis d’ambre et
en l’incorporant avec la gomme-laque et la gomme arabique auparavant dissoute
dans la térébenthine.
On en fait
encore un autre en mettant au soleil de l’huile de lin et en y incorporant à
feu lent de la sandaraque en poudre, lorsque l’huile est clarifiée. Mais on
peut faire ce vernis plus rapidement en dissolvant la sandaraque pulvérisée
dans l’esprit de vin. Le vase contenant cette composition étant mis sur feu
doux, on y ajoute l’huile de lin. L’esprit de vin s’étant évaporé, ce vernis
sera près en peu de cuisson. Vers la fin de la cuisson on ajoute un peu d’huile
d’aspic ou pétrole pour le faire sécher. Ce vernis sera excellent. On peu
également le préparer en cuisant ensemble la sandaraque et l’esprit de vin soit
au soleil, soit à feu lent.
On fait le
vernis clair avec la larme de sapin (1) qui est la goutte de térébenthine qui
reste à l’arbre et qui est cuite par le soleil. Elle est blanche, et se dissout
dans l’esprit de vin u dans l’huile de pétrole ou d’aspic. Pour éviter qu’il
s’évapore, on le conserve dans un vase bien bouché avec du coton et une espèce
de pâte de plâtre.
On compose
également un vernis clair et séchant facilement, avec une quantité égale de
térébenthine, d’huile d’aspic ou pétrole, le tout bien mêlé et exposé au soleil. Au lieu d’huile pétrole
on fait la même chose avec la térébenthine.
Enfin, on peut
en faire un autre nommé vernis d’Arabie de la façon suivante :
Prendre en
parties égales de la bonne eau-de-vie et de l’huile d’aspic. Y ajouter,
également en parties égales, du benjoin blanc, de la térébenthine et de la
sandaraque claire. Le tout en poudre doit s’incorporer à feu lent ou au soleil dans un vase bien
fermé. Ce vernis est clair et sèche facilement.
(1) Cela parait être une espèce de colophane faite par le soleil.
C
H A P I T R E
X I I I
Les vernis utilisés sur les
métaux
Un étranger se
trouvant depuis quelques années à Rome, exposa pour vendre plusieurs ouvrages,
tous sur cuivre, et surtout des vaisseaux à usage du chocolat, du café ou
autres articles semblables. Il assurait qu’il s’agissait du véritable vernis de
Chine, résistant au feu.
Pour le prouver,
il posait dessus des charbons allumés, sans que le vernis soit endommagé,
d’aucune façon. Cela laissait les gens expérimentés dans le doute, car la même
résistance au feu se remarquait dans les lanternes de tôle couvertes du vernis
appelé communément vernis d’ambre, qui s’endurcit sur le fer à force de subir
le feu, de la même manière que sur les (1) ferrures ciselées et autres ouvrages
identiques. On pouvait également faire le café dans ces vases vernis au
bain-marie, ou à la flamme d’une lampe, sans que cette chaleur n’altère le
vernis, ni l’humidité du bain- marie.
Toutefois elle
excita la curiosité de beaucoup de personnes, les portant à chercher comment
était composé ce vernis qui faisait l’admiration des personnes inexpérimentées
dans ces sortes d’opérations.
On effectua
beaucoup de tests, et on s’aperçut que le vernis d’ambre mis sur quelque métal
que ce soit, et ensuite recuit sur le feu restait uni au métal. Je me suis fait
la réflexion que le vernis dont on a coutume de se servir pour graver à l’eau
forte sur le cuivre ne s’en détachait jamais, qu’il était résistant au feu et
pouvait faire le même effet. Je le trouve très bon, et comme je le citerai
souvent par la suite, je trouve utile d’indiquer la manière de la composer et
de l’employer.
(1) A Rome, presque toutes les ferrures des carasses sont noircies et
couvertes de ce vernis qui fait beaucoup d’effet.
Un des meilleurs
vernis qu’on emploie sur les planches de cuivre, afin de les graver à l’eau
forte, se nomme vernis dur, parce qu’il le devient avec l’aide du feu avec
lequel on le cuit. L’autre se nomme vernis mol parce qu’on ne le cuit point.
Dans un livre
français d’un graveur nommé M. Bosse (1), je me souviens avoir lu la manière de
composer ces deux vernis, qui, une fois éprouvés, m’ont paru très bons.
A Rome, le Sieur
Vanvesterout, célèbre graveur, et tous ceux qui l’ont eu pour maître dans cette
profession, se servent également de ces vernis.
Pour composer le
premier, on prend (2) cinq onces de poix grecque, cinq onces de résine de pin,
quatre onces d’huile de lin non cuite, et la grosseur d’une noisette de suif.
On amollit à feu lent, de manière que la composition prenne la consistance du
miel. Ensuite on la coule au travers d’une toile, et on la conserve dans un
lieu à l’abri de la poussière.
Le Père
Coronelli, chap. dernier de son épitomé cosmographique, inique un vernis
presque semblable, et que l’on emploie de la manière suivante :
(1) Le sieur Bosse, dans son traité des manières de
graver en taille-douce, Paris 1645. pag. 9. donne ainsi la composition du
vernis dur : prendre cinq onces de poix grecque, ou à défaut, de poix grasse ou
de bourgogne, cinq onces de résine de Tyr ou colophane, ou à son défaut de la
résine commune.
(2) Il ne parle point de suif et veut que l’on fasse
fondre ensemble la poix grecque et la résine, avant d’y mélanger l’huile de
noix, que le R.P. Bonnania remplace par l’huile de lin.
Chauffer la
planche de cuivre qui doit être extrêmement polie et y déposer quelques gouttes
de vernis qu’on étend subtilement, afin
que le cuivre n’en soit que très légèrement enduit. Afin de l’étendre de façon
plus égale, frapper dessus avec la paume de la main. Pour ce faire, il faut que
la planche soit chaude et que la main
puisse seulement supporter la chaleur. Le vernis étant ainsi étendu, le
noircir en l’exposant à la fumée d’une chandelle de suif. Porter ensuite la
planche sur un gril posé sur des charbons allumés, mais disposés en rond, de
façon qu’il n’y en ait que peu ou point au milieu, la chaleur des extrémités de
la planche étant suffisante pour cuire le vernis du milieu. Pendant cette
cuisson, on doit observer la fumée de la graisse du vernis, et retirer la
planche du feu lorsqu’elle est près de cesser. Il est possible de reconnaître
plus facilement la cuisson du vernis, si, en touchant celui-ci à l’aide d’un
bâton, il ne se détache plus (1) du cuivre.
On travaille sur
ce vernis avec une aiguille ou un burin, en découvrant le cuivre sur les traits
nécessaires et en suivant le dessin. Les traits deviennent plus profonds et
sont creusés par l’eau-forte, avec laquelle on baigne plusieurs fois la
planche.
Le susdit Bosse
enseigne le tout dans son petit livre, imprimé à Nuremberg en 1652, et traduit
en allemand par un ingénieur nommé George André Pekler.
Dans ce livre,
page.(2) 14, il rapporte l’opération consistant à noircir le vernis avec la
fumée de chandelle, et page. (3) 16, il
indique comment situer la planche sur les charbons, pour que le vernis acquière
une cuisson parfaite. Toutefois, en me servant de ce vernis, je me suis aperçu
qu’il était plus commode de soutenir la planche en l’air sur les charbons,
après l’avoir vernie et sans se servir
d’un gril, les (4) traverses empêchant la chaleur d’agir uniformément sur
toutes les parties de cuivre. D’autre part, comme il faut manier la planche
avec quelque pince ou tenaille pour ne point se brûler, le cuivre reste
toujours découvert en quelque endroit et sans vernis.
(1) Ou du moins s’il ne se détache qu’avec peine.
(2) Page 16 de l’édition française.
(3) Page suivante.
(4) L’auteur ne demande que deux chenets pour soutenir la planche de
cuivre.
Je me suis servi
pour cela d’un instrument de fer
approprié, avec lequel je maintenais la planche de cuivre dans une
situation horizontale, sans traverses ni tenailles, et ainsi, je pouvais
facilement l’approcher ou l’éloigner du feu selon le besoin. Pour ce faire,
j’ai pris trois verges de fer qui étaient jointes en A, comme on le voit dans
la planche, fig. trois. Ces verges étaient dentelées sur leurs parties
intérieures, vers les extrémités B, C et D. J’ai fait de même sur la partie
extérieure vers I.O., C’est-à-dire
qu’elles étaient hachées de petites coupures, afin qu’un anneau I.O.
passé dedans puisse être arrêté dans
l’endroit où on l’a placé pour former le triangle formé par ces verges. Ces
verges, avec les hachures intérieures B. C. D. embrassent et retiennent la
planche de cuivre. De cette façon, la planche
est librement exposée au feu.
Pour ne point
avoir l’incommodité de soutenir cette planche en l’air, jusqu’à ce que le
vernis soit cuit, on peut la suspendre
au moyen d’un petit crochet attaché au triangle A.
Lorsque la
planche est trop grande, carrée ou longue, au lieu de triangulaire, je me suis
servi de quatre verges disposées de
façon égales. Je pouvais ainsi serrer avec l’anneau, afin que leurs extrémités
dentelées serrent et soutiennent la planche.
Cette manière de
cuire le vernis plut beaucoup à certains de mes amis, qui se divertissaient à
graver, n’étant point obligés de soutenir la planche avec une tenaille. Elle
était entièrement recouverte de vernis et exposée sur le feu pour la cuire de
façon uniforme, sans avoir l’incommodité d’en soutenir le poids, ce qui
demandait énormément de peine et de travail, quand la planche était grande car
il fallait utiliser une grande quantité de charbons ardents pour cuire
correctement le vernis.
Le second vernis
nommé vernis mol, qui est aussi efficace pour graver, et que cite le Père
Coronelli (1) se fait de la façon
suivante :
Prendre une once
et demie d’asphalte et de mastic en poudre. Mettre l’un et l’autre peu à peu
dans la cire fondue. Le tout étant bien mêlé, le jeter, avant qu’il se
refroidisse, dans un plat plein d’eau, dans laquelle on lui donne la forme de
pastilles. Lorsque l’on veut s’en servir, les mettre comme un bouton dans un
morceau d’étoffe. Lorsque la planche est chaude, on la frotte avec ce bouton.
On étend également le vernis avec une plume, puis on le noircit à la fumée de
chandelles et, sans autre cuisson, on le grave comme le vernis dur.
(1) Le même
vernis est enseigné par le sieur Bosse, pag.41. à quelque différence près dans
la manipulation. Il se sert pour graver sur ce vernis, de l’eau forte du
départ, c’est-à-dire de la commune, qui se fait en distillant du salpêtre et du
vitriol, et qui sert aux orfèvres pour séparer l’or de l’argent. Il ajoute que
celle dont il se sert pour le vernis dur est également bonne pour le vernis
mol.
(1) L’eau forte
avec laquelle on creuse les traits formés avec l’aiguille, se compose avec onze
onces de sel amoniac et trois onces de verdet gris. Après les avoir mêlés, on
les fait bouillir pendant une demi-heure dans une pinte de vinaigre très fort.
Lorsque le mélange est refroidi, on l’emploie en le jetant continuellement sur
le cuivre jusqu’à l’obtention souhaitée.
Pour graver le
fer, on prend un autre vernis et une eau fort différente.
Le vernis se
fait en prenant en parties égales, de la poix grecque, de la résine de pin et
de la térébenthine. On les incorpore bien ensemble, et on en frotte le fer
après l’avoir chauffé. L’eau pour le ronger se fait avec du sel amoniac, du
sublimé, du verdet gris et une peu de noix de galles. On mélange le tout avec
du vinaigre fort. Cette eau mise sur le vernis mange le fer en dix ou douze
heures aux endroits où il est découvert
avec la pointe de l’aiguille, et laisse ces endroits creusés.
En ce qui
concerne le vernis avec lequel je couvrais le cuivre, j’ai observé que
lorsqu’il restait bien uni au cuivre, il n’avait pas un brillant semblable à
celui de l’ambre noir et à celui de l’émail tel qu’on le voit dans quelques
ouvrages des artisans étrangers. C’est pourquoi je couvris de nouveau une
planche de cuivre avec un autre vernis, et je le fis cuire comme je l’avais
fait pour le premier vernis à graver. Je constatais que le première couche
devait être peu cuite, parce que devant ensuite cuire la seconde, cette
première couche se brûlerait et risquait de s’écailler et de se détacher du
cuivre.
Lorsque la
planche doit être vernie des deux côtés, étant soutenue par le triangle
précité, l’une et l’autre surface se cuisent également. Ainsi on aura un
excellent vernis, et semblable en tout à celui dont la fabrication avait excité
la curiosité de tant de personnes.
(1) L’eau forte qu’il emploie pour le vernis dur est
composé de trois pintes de vinaigre, six onces de sel amoniac, six onces de sel
commun et quatre onces de verdet gris,le tout bouilli ensemble (deux ou trois
bouillons seulement) et filtré au travers d’un linge.
Cette sorte de
vernis subit une épreuve imprévue. Un lame de cuivre qui en était couverte
étant tombée d’une fenêtre haute d’environ cent palmes, elle rencontra quelques
pavés où elle se bossua en divers endroits, sans toutefois que le vernis soit
écaillé. L’ayant frappée sur un enclume avec un marteau, je la redressai et le
vernis ne fut en aucune façon endommagé par les coups de marteau. Je fut ainsi
persuadé que j’avais trouvé la manière
de composer le vernis que je cherchais, et qu’on avait tant admiré. Reste à
savoir de quel vernis je me suis servi.
Cette
composition était du vernis appelé communément vernis d’ambre, auquel j’ajoutai
un peu de gomme copal, la faisant dissoudre dans le vernis après l’avoir réduit
en poudre. Afin qu’il s’applique mieux au pinceau, j’y mis un peu d’huile de
lin cuite, pas trop épaisse, et je l’exposais au feu pour le cuire et
l’endurcir.
J’essayai de
faire la même opération avec le vernis susdit, dans lequel au lieu de gomme
copal, j’incorporai la gomme d’olive qui, étant de même nature que l’huile, s’y
incorpore facilement, et j’obtins le même résultat.
Je tentai
l’expérience avec la gomme-laque, mais elle ne voulut jamais se mêler avec
l’huile. J’y ajoutai un peu d’asphalte ce qui n’apporté aucun changement à
l’opération. Je constatai également que les gommes qu’on y ajoutait, ne
contribuaient qu’au luisant et à la
dureté.
Il est utile
d’ajouter que lorsque l’on donne la première couche, le métal doit au préalable
avoir été bien nettoyé avec la pierre ponce, et le vernis doit être un peu
huileux. On en frottera légèrement l’ouvrage et on le fera bien sécher au
soleil ou au feu lent. On donnera ensuite la seconde couche, et l’ayant fait
chauffer, on pourra le noircir avec la fumée d’un flambeau de résine, comme
sont les flambeaux de poix, la fumée de chandelle de suif étant trop
onctueuse. La chaleur aidera à étendre
le vernis et à le rendre d’une égale épaisseur sur toute la surface du métal.
C
H A P I T R E
X I V
Vernis le plus rapprochant
du vernis de la Chine
Après avoir
effectué différentes compositions et n’arrivant point à trouver dans celles-ci
les mêmes qualités que dans le vernis de la Chine, je choisit une autre méthode
étant persuadé que ce dernier était composé uniquement de deux matières citées
ci-dessus. Mais il était difficile de trouver
deux matières équivalentes par leurs propriétés. Ces deux matières sont
le bitume nommé CI et l’huile avec laquelle on le mêle. Tous deux ont une
qualité facilitant le séchage mais avec
un peu de temps.
Il fallait
trouver un bitume semblable en substance et en qualité au CI de la Chine. Mais
il n’y en a point en Europe découlant des arbres qui puisse y ressembler
plus que la térébenthine (1) commune,
qui sont celles de Venise et celle de Chypre mais qui sont plus visqueuses et
plus grasses que le CI de la Chine, ce qui fait qu’elles ne sèchent point si
facilement, si on ne les rend moins visqueuses, et si on ne leur ôte leur
graisse en les faisant cuire.
L’ayant éprouvé,
je vis que ce n’était point tout à fait la qualité du CI, et qu’elles
demeuraient toujours visqueuses et parvenaient difficilement à sécher à point.
Pour y parvenir il fallait qu’elles soient entièrement dépouillées de leur
viscosité. Je constatai ainsi qu’il était nécessaire d’y ajouter quelque gomme
moins grasse et plus disposée à s’endurcir. Je choisis pour cela la gomme copal
plus facile à se mêler que toutes les autres avec ce bitume. L’ayant pulvérisée
très subtilement, je le mis peu à peu dans la térébenthine commune que j’avais
fait chauffer sur feu doux. En remuant sans cesse avec un bâton, j’obtint un
bitume semblable par la consistance et la couleur au CI de la Chine, et je
constatai que faisant bien cuire cette composition, la viscosité de la
térébenthine se consumait toujours et. Comme le CI a besoin d’être dissout et
étendu avec l’huile quand on veut s’en servir, je préparai l’huile de lin, afin
qu’elle eut plus de facilité à sécher. Quand l’un et l’autre furent bien
chauds, je les mêlai ensemble et il en résulta un composé qui me parut très
semblable au vernis Chinois.
J’en couvris un
morceau de bois et je trouvai qu’il fallait pas mal de temps pour le sécher
entièrement. Je fis donc la même composition en prenant de l’huile de sapin au
lieu de térébenthine commune, puis à la
place de celle-ci, j’employai celle de térébenthine qui est moins grasse , ce
qui rendit ma composition beaucoup plus disposée à sécher et à s’endurcir en
bien moins de temps.
(1) Terebinto. Nous ne connaissons point en France
ces différentes espèces de térébenthine sous ces noms, mais voici les
éclaircissements que l’on m’a donné sur cette matière.
La trémentina ou térébentina est la térébentine
commune. On la porte à Rome des montagnes du Tyrol et du Piémont. L’oglio
d’Abezzo, ou huile de sapin vient du Levant. Elle vaut à Rome un écu romain la
livre de douze onces. Il apparaît que c’est ce que nous appelons Térébenthine
de Venise. Elle ressemble tout à fait à l’huile de sapin, telle qu’elle est
décrite ci-dessus. Le térébintho vient de Chypre, quoique cependant Lemery
assure que celle que nous avons ne vient point de Chypre mais de Ile de Chio.
J’ai vu entre les mains de M. Garnier, médecin de la
reine de Pologne, des ouvrages d’un très beau vernis fort dur, quoique souple
et pliant sous le marteau. Il a bien voulu m’en communiquer la composition qui
est presque semblable à celui-ci :
On fait bouillir de la térébenthine de Venise et on
y jette le même poids de gomme copal pulvérisée. On fait bouillir le tout un
quart d’heure en remuant bien avec un bâton, puis on y ajoute de l’huile cuite,
avec les mêmes précautions qu’indiquées ci-dessus, ch.11. On fait incorporer le
tout ensemble sur le feu, puis on rend le vernis aussi liquide qu’on le
souhaite, en y ajoutant de l’huile d’aspic ou de l’esprit de térébenthine. On
le noircit avec du noir d’ivoire. Il s’emploie un peu chaud.
Pour obtenir cet
effet, j’ai placé dans une étuve quelques ouvrages couverts de cette
composition, dont la chaleur permettait de faire sécher mieux et plus
promptement. J’obtins un vernis très semblable à celui de la Chine. Pour le
noircir j’y ajoutai un peu de bitume de Judée. Y ayant ajouté encore d’autres
couleurs, je trouvai qu’il était très bon et possédait toutes les qualités du
vernis de Chine.
N’étant point
encore satisfait, et croyant que mon vernis sécherait mieux en supprimant la
térébenthine et l’huile de sapin, j’essayais d’y mêler la gomme copal avec
l’huile de lin bien cuite, de manière que ces deux ingrédients équivalent au
C.I. Mais la gomme copal possédant énormément de parties aqueuses, se condense
facilement d’elle-même et ne veut point s’unir avec l’huile. Donc il me fut
difficile de venir à bout de cette composition. Je fut donc obligé de la
préparer en la dissolvant dans la poix grecque, sachant que la gomme copal se
dissout facilement et s’unit avec le vernis d’ambre, qui n’est autre chose que
l’huile de lin et la poix grecque bouilles ensemble. Je reconnus que c’était
l’unique moyen de la dissoudre.
Ce vernis
terminé et restant sur le feu, j’y jetai quelques gouttes d’huile cuite qui s’y
incorporé très bien. J’en remis avec le même résultat. Continuant à remuer sans
cesse ce mélange à l’aide d’un bâton, cette gomme dissoute dans la poix gracque
ne se sépara plus de l’huile.
Mais ce mélange
était quasi-inutile en raison de son épaisseur, et en y ajoutant beaucoup
d’huile il devenait totalement inutile. Toutefois je trouvai qu’en le
dissolvant avec l’huile d’aspic, on pouvait facilement l’étendre au pinceau sur
n’importe quel sujet. Il conservait ainsi une excellente consistance parce que
l’huile d’aspic est une humeur spiritueuse qui s’évapore facilement. D’autre
part, elle laisse le vernis dur comme on le souhaite, particulièrement si on en
facilite l’opération en le faisant chauffer.
Il fallait
encore que ce vernis fut noir et foncé comme celui de la Chine, qui est teint
avec du vitriol dissous dans l’eau. L’inconvénient est que le vitriol ne peut
se dissoudre dans l’huile, et que l’huile se mélange encore moins à une
dissolution de vitriol dans l’eau. J’essayais donc de composer ce vernis avec
du noir de fumée. Malheureusement, et malgré une composition très noire, elle
perdit de sa liquidité. De plus, le noir de fumée amortissait le brillant du
vernis et le rendait pâteux, ce qui faisait qu’en séchant il n’acquérait pas la
même dureté.
Je savais, comme
il est rapporté au chap. 12, que le bitume de Judée faisait un très bon vernis
étant dissout dans l’huile d’aspic ou dans l’huile cuite. C’était donc le moyen
de rendre parfait ce vernis qui, selon mon sentiment, est celui de tous qui
ressemble le plus au chiaram de la Chine. Les ingrédients qui le composent sont
équivalentes à celles qui entrent dans la fabrication du chiaram noir, à savoir
: l’huile de lin cuite, la gomme copal, la poix grecque, l’asphalte ou bitume de
Judée et l’huile d’aspic.
Reste à savoir
la méthode de composition. j’ai essayé pas mal de méthodes, employant
inutilement une quantité considérable d’ingrédients, en perdant du temps, si on
peut dit perdre du temps lorsqu’au bout du chemin on découvre un trésor. La
méthode expérimentée qui était la plus sure est la suivante :
Prendre une
partie de gomme copal pulvérisée grossièrement et une de poix grecque la plus
claire et la plus ressemblante à l’ambre. Mettre l’une et l’autre dans un petit
pot vernissé et sur feu lent. Faire fondre jusqu’à ce qu’étant remuées avec un
bâton, elles tombent d’elles-mêmes en gouttes. A ce moment, tout en remuant
sans cesse, jeter dedans un peu d’huile cuite chaude, puis couvrir le pot. Si
l’on ne veut pas employer la poix grecque, et cette composition m’a mieux
réussi, jeter peu à peu la gomme copal pulvérisé dans ledit vernis d’ambre (qui
n’est autre chose que l’huile et la poix grecque). Lorsque celui-ci est
liquéfié et chaud, tout en remuant sans cesse et sur feu lent, afin que tout se
mélange bien. J’y ajoutai l’asphalte dissout dans l’huile cuite, comme indiquée
ci-dessus, et que j’avais conservée dans un autre petit pot. Je mêlai le tout
en remuant sans cesse jusqu’à ce qu’il fut bien uni et quasi-refroidi. J’y
jetai ensuite peu à peu l’huile d’aspic en remuant toujours la matière et je
recouvris le vase afin qu’il n’y ai aucune évaporation. J’en rajoutai de temps
en temps jusqu’à refroidissement total ce qui donna une consistance de miel.
Lorsque la matière est presque froide, on peut la couler au travers d’un linge,
en le tordant et en l’exprimant entre deux planches, afin de faire sortir la
substance de la gomme et de l’asphalte qui laissent toujours quelques fèces
inutiles. On peut également mettre le tout dans un vase fermé et laisser
précipiter les fèces. Mais il est préférable de couler au travers d’un linge,
car cette façon de faire dépouille le vernis de toute l’impureté qui pourrait
nuire à la qualité de l’opération. Le mélange ainsi filtré doit être conservé dans
un vase fermé. S’il parait trop épais, on peut y ajouter de l’huile d’aspic
froide ou chaude selon son désir. On pourra ainsi le conserver.
N’ayant pas
toujours suivi exactement cette méthode, et quoique ayant obtenu un excellent
vernis, celui-ci n’était pas parfait. Donc, j’abandonnai mon entreprise pendant
quelque temps. Lorsque je la repris, en observant tout ce que je viens de
citer, je réussis à parvenir au résultat tant souhaité.
Il faut
premièrement donner le conseil suivant, qui sera d’un grand secours pour
parvenir à la perfection: Avant de mêler le bitume judaïque avec la gomme copal
dissoute, on doit l’avoir bien préparé, ce qui se fait en le faisant bouillir à
feu lent dans l’huile cuite pendant une ou deux heures. On s’apercevra qu’il
est assez cuit, lorsqu’en le prenant avec un bâton, il ne tombera pas goutte à
goutte, mais formera un fil délié se détachant toujours du bâton sans se
séparer. Il sera alors d’une consistance apte à sécher, ce bitume étant
naturellement gras et séchant difficilement. Pour que l’huile sèche rapidement,
certains on coutume de joindre à la litharge pulvérisée avec laquelle ils la
font bouillir, un minéral ou espèce de vitriol que l’on trouve en Allemagne et
qu’on appelle (1) couperose. Enfin, moins il y aura d’huile, plus le vernis
séchera facilement et plus il sera dur et inaltérable, comme celui de la Chine.
.
(1) Couperose verte ou vitriol vert.
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X V I
Observations sur le vernis
que nous venons de décrire et sur le chiaram de Chine
Après avoir fait
plusieurs expériences avec
la composition précédente et m’en être servi à plusieurs usages, je crus
pouvoir conclure que l’Italie n’avait point à envier la Chine pour les ouvrages
qu’on y fait avec le chiaram, trouvant dans le vernis que nous venons de
rapporter toutes les propriétés du chiaram, qui sont les suivantes :
1°) La composition est
oléagineuse et composée de deux choses identiques,
bitumineuses et propres à sécher.
2°) Elle est propre à sécher
toutefois en un peu de temps.
3°) On ne l’emploie pas
chaude mais froide.
4°) On en couvre toutes
sortes de sujets, soit bois, soit métal.
5°) Plus on en donne de
couches, plus le vernis acquiert un noir foncé.
6°) Il prend un brillant
comme le cristal.
7°) A la main, on y
reconnaît le mœlleux du chiaram.
8°) On peut
travailler sur ce vernis à l’huile avec un mordant, et y faire ce que l’on veut
avec l’or et les couleurs, quoique pour la plus grande partie, elles en soient
tachées, si on ne l’emploie sans asphalte. De même, les couleurs mêlées avec le
chiaram le sont aussi, si on ne s’en sert sans la teinture de vitriol.
9°) Le vernis étant sec perd
toute son odeur.
10°) Il devient
inaltérable et résiste au chaud, à l’humidité, et même à la force des sels
corrosifs, ce qui fait qu’on peut polir ces ouvrages comme l’on veut. Je sais
que les chinois, après avoir mangé sur les tables enduites de leur vernis, sans
nappe ni tapis, ont coutume de les laver avec une éponge trempée dans l’eau
froide ou chaude. Il n’en est pas de
même des autres vernis qui, dès qu’ils sentent la chaleur, se gonflent, forment
des élévations et perdent leur lustre.
11°) Il s’étend
mieux sur l’ouvrage étant chaud et s’aplanit de lui-même, comme fait le
chiaram, avant qu’il soit sec.
12°) Ce vernis a
une autre propriété, celle d’être pliant et souple, de façon qu’étant employé
sur le carton, il cède et ne s’éclate point lorsqu’on le plie.
Toutes ces
propriétés conviennent à l’un et à l’autre, et ne peuvent se trouver dans touts
les autres sortes de vernis. Celui-ci même est plus estimable, car on peut
l’employer sans crainte de n'en recevoir aucune incommodité. On peut aussi
l’étendre avec la paume de la main, ou avec les doigts en guise de pinceau,
alors que le chiaram de Chine et l’uruxi du Japon sont de qualité dangereuse,
non seulement au toucher mais à l’odorat, comme nous l’avons dit ci-dessus,
chapitre 7.
Enfin, après
avoir examiné toutes les qualités de l’un et de l’autre, je ne puis trouver
aucune différence, sinon que le chiaram se travaille en Chine et l’uruxi au
Japon, et que celui-ci peut se faire en Italie, et par tout le monde.
Il est facile de
constater que celui-ci doit être plus estimé que les autres, soit ceux qui sont
composés de gommes dissoutes dans l’esprit de vin, soit ceux qui sont
oléagineux. Ceux qui s’amusent à les composer et qui connaissent les propriétés
de chacun, pourront facilement voir que tous, pour bons qu’ils soient,ne sont
pas d’assez longue durée pour n’être point offensés, même en le travaillant.
Mais celui dont nous parlons résiste plus que tous les autres, principalement
s’il est cuit sur le métal, comme on le pratique dans les ouvrages faits en
Chine.
Il est vrai
qu’il n’y a rien dans le monde qui dure
éternellement, et que tout est sujet à la destruction.
C
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X V I I
Manière d’orner le vernis
précédent d’arabesques et de feuillages d’or
Entre les
ouvrages qu’on importe de Chine en Europe, il ne s’en trouve pratiquement point
qui ne soit orné de quelques figures ou feuillages d’or, quoique ordinairement
la plus grande partie du vernis reste découverte, sans aucun ordre ni
disposition. Si l’on veut imiter ces ornements, il faut remarquer que dans la
plupart des ouvrages, ces sortes de choses sont en bas-relief, ce que les chinois
font avec de la poudre de terre cuite incorporée avec le vernis même. Mais
plusieurs personnes désapprouvent cette façon de faire, et la rejettent.
Cependant, de
quelque manière que ce soit, si on veut l’imiter il faut, premièrement, avant
de couvrir le bois de vernis, faire les bas-relief avec du plâtre fin, du bol
d’Arménie ou de la céruse et du minium, bien incorporé avec de la colle. Cela
étant ensuite enduit de vernis, se recouvre avec le mordant et se dore avec
l’or fin en feuille, ou avec le faux qu’on fait en Allemagne, ou même avec l’or
en poudre.
Il sera pourtant
meilleur encore de former ces bas-relief après que le vernis soit sec et uni
comme on l’a dit, en faisant une pâte du même vernis ou de quelque autre
mordant avec la céruse et le minium. Lorsque cette pâte, étant mise sur le
vernis est prête à sécher, on la couvrira d’or, qu’on peut encore recouvrir
d’une couche déliée de vernis fait avec la gomme-laque dissoute dans l’esprit
de vin, ou avec le vernis huileux clair, lequel, outre le brillant qu’il lui
donne, le défend de l’humidité et de la poudre. Quoiqu’on se serve d’or faux,
qui est celui qu’on emploie ordinairement dans ces ouvrages, il ne noircira
point. Cet or nous vient d’Allemagne et est de peu de valeur.
Si on veut faire
des figures de différentes couleurs, chose peu usitée ren Chine, on les
incorpore avec l’huile cuite ou avec le vernis même sans asphalte. On fait
encore d’autres ouvrages, outre les bas-reliefs, qui sont des arabesques de fantaisie, comme arbres,
herbes, oiseaux, papillons et semblables. Ces sortes de choses doivent se faire
avec l’or en poudre, mais comme on ne peut facilement l’étendre avec le
pinceau, lorsqu’il est dissout dans quelques gommes, pour le mettre sur le
vernis qui est huileux, il faudra, premièrement, faire ces sortes d’ouvrages
avec quelque mordant de même qualité
que le vernis, afin qu’ils s’unissent ; Lorsqu’il sera prêt à sécher, il faudra
jeter dessus de la poudre d’or avec du coton. L’or sera très brillant et il
s’attachera partout ou on aura mis le mordant.
Reste à faire
quelque mordant bon à cet effet. Comme on peut en composer de plusieurs façons,
j’en décrirai quelques unes que j’ai appris dans différents livres et par mes
amis, et je joindrai ensuite celui que j’estime le plus pour les ouvrages
précédents.
1°) Le bol d’Arménie
incorporé avec l’huile de noix, et quand cela est prêt à sécher, y mettre l’or.
2°) On fait un mordant pour
les reliefs avec céruse, verdet gris et bol incorporé avec le vernis commun
dans un petit pot sur les cendres chaudes, de manière que le mélange obéisse au
pinceau. Il s’attache aussi sur le marbre et sur le fer.
3°) On en fait
un autre avec une livre de vernis liquide, une once de térébenthine et
d’huile de lin et on incorpore le tout
ensemble.
4°) On fait à
Ausbourg un vernis très clair qui se vend quatre jules l’once et qu’on appelle
communément l’huile d’Ausbourg. Il obéit au pinceau, s’étend comme l’on veut et
sèche très facilement. Les émailleurs s’en servent pour délayer les émaux en poudre
avec lesquels ils ornent les joyaux, parce qu’il s’attache avec beaucoup de
ténacité et qu’il sèche en très peu de temps. A l’odeur et au goût, il parait
être composé de sandaraque dissoute dans l’huile d’aspic.
5°) La céruse et
le minium incorporés avec l’huile cuite sont un excellent mordant.
6°) Prendre une
once de gomme élemi, une once d’asphalte, six onces d’huile cuite. Incorporer
le tout à feu lent et filtrez au travers d’un linge. Y ajouter du minium et de
la terre d’ombre, bien les mêler, et employer ce mélange avec l’huile d’aspic.
7°) Ce mordant
est excellent. Mais on en fait un autre qui ne lui est point inférieur, avec le
vernis dont nous venons de parler, en y ajoutant un peu de cinabre en poudre,
afin qu’on puisse reconnaître sur le fond noir les endroits où il faut mettre
de l’or. On peut le rendre plus liquide avec l’huile d’aspic, afin qu’il
obéisse au pinceau.
Autre vernis rapporté, avec quelques observations sur celui dont on
vient de parler
Comme je
relisais ce que j’ai écrit jusqu’ici, on m’a en oyé de France une autre façon
de composer un vernis, sous le nom de vernis chinois, quoique je sache qu’il en
est très différent. Voici comment mon ami men parle dans sa lettre :
Prendre une demie livre d’huile de lin qui n’ait pas plus d’un an, et quatre onces de litharge d’or. Il faut les cuire ensemble jusqu’à ce que l’huile brûle une plume. Remuer sans cesse afin que le litharge s’incorpore avec l’huile. Prendre ensuite une livre de térébenthine de Venise et trois onces de gomme-laque en (1) feuilles pulvérisée. Lorsque la gomme-laque sera dissoute dans la térébenthine, jeter le tout dans l’huile cuite. Ensuite, prendre une once d’huile de lin et une demie once d’ambre pulvérisée subtilement. Les mettre ensemble dans un vaisseau de verre sur les cendres chaudes, en maintenant le feu par degrés jusqu’à faire bouillir la matière. Retirer ensuite le vaisseau du feu et y ajouter trois onces de térébenthine. Bien mêler le tout avec une spatule de bois, filtrer au travers d’un linge et le conserver pour l’usage dans un vaisseau de verre.
Voici la façon de l’appliquer:
On donne premièrement au bois que l’on veut couvrir de vernis, un e couche de colle chaude et très liquide. Lorsqu’elle est sèche, on en donne une de plâtre fin bien liquide, et ensuite une seconde. Lorsqu’elle est sèche on la frotte, on l’unit et on la brunit. On la teint ensuite de la couleur que l’on veut et on prend de la même couleur en poudre que l’on incorpore avec le vernis. On l’étend également avec la paume de la main et on met l’ouvrage à sécher dans unl ieu à l’abri de la poussière. Si on veut le dorer, on peut le faire avant que le vernis soit absolument sec. Il faut avertir que l’on veut employer ce vernis chaud.
(1) C’est ce qu’on appelle la gomme-laque plate, comme on l’a vu chap. 2.
Par tout ce que nous venons de dire, on voit bien que ce vernis qui m’a
été communiqué sous le nom de vernis chinois, n’en a que le nom,puisque les
matières qui y entrent et la manière de le composer, en sont totalement
différentes. Je ne le désapprouve pourtant pas tout à fait, et considère comme
bonne, la composition de gomme-laque et de térébenthine avec l’huile; de même
que celle de gomme copal dissoute dans la térébenthine, dont je me suis servi
avec succès.
Comme il faut beaucoup de temps et de chaleur pour l’endurcir, ce qui ne peut être sans que le bois vernis soit en danger de se défendre ou de se déjeter, j’ai éprouvé que la meilleure composition était celle que le hasard m’avait fait découvrir parmi une infinité d’expériences et de différentes combinaisons que j’ai essayées, qui est la gomme copal dissoute avec la poix grecque ou avec le vernis d’ambre mêlé avec l’huile.
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X I X
Manière dont on polit le vernis
On observe dans les ouvrages vernis faits au Japon, que plusieurs sont
unis et lisses comme un miroir, et que dans d’autres, il y a des ondes et des
traces de pinceau. Il s’en trouve aussi de plus brillants les uns que les
autres. Cela vient de l’appareil avec lequel ils les polissent et dont ils se
servent pour les ouvrages de prix, comme coffres, écritoires, boites et
semblables. Mais ils négligent de donner ce poli aux tables, armoires et autres
meubles de cette nature, et encore moins aux plafonds et planchers, se
contentant de peindre ces sortes de choses de couleurs mêlées avec le vernis,
ce qui donne un fort bel effet, surtout quand ils sont enrichis de feuillages
d’or et d’argent.
Tout cela arrive aussi aux ouvrages faits en Europe, à l’imitation de
ceux-là. Nous observons d’autre part que les uns se contentent d’avoir le
vernis tel qu’il se trouve sur l’ouvrage au sortir du pinceau, et que d’autres
ne l’estiment quand il est uni et brillant comme un miroir.
On dit qu’au Japon, le vernis se polit avec la poudre de craie cuite et
la pierre à aiguiser. Mai en Europe on se sert de choses équivalentes voire
même meilleures, et on suite la méthode que je vais décrire, afin que ceux qui
n’ont aucune expérience de cette façon de procéder, puissent néanmoins réussir.
En premier lieu, il est utile de prévenir que les vernis composés de
gommes dissoutes dans l’esprit de vin, et les vernis oléagineux sur le bois ou
sur le métal, se polissent de la même manière.
Donc, lorsque l’ouvrage est bien sec, on prend de la pierre ponce
pulvérisée subtilement. Certains la font rougir et l’éteignent dans le
vinaigre, mais cela n’est pas nécessaire. On en fait une pâte avec de l’eau, et
avec une peau de chamois ou un linge, on frotte le vernis, jusqu’à ce qu’il
soit bien uni, en prenant cependant bien garde de ne point aller trop rudement,
ce qui emporterait le vernis et découvrirait le fond. C’est la raison pour
laquelle il est nécessaire ee passer plusieurs couches de vernis, voire même
jusqu’à vingt, si c’est quelque gomme dissoute dans l’esprit de vin. Mais les
vernis oléagineux ayant plus de corps, il n’est pas besoin de tant de couches.
Il y a une autre manière de polir et de rendre parfaitement unie toute
sorte de surface, qui est de se servir à la place de pierre ponce, de cristal
pulvérisé mêlé avec de l’eau.
La surface étant bien unie, on pourra y faire les ouvrages en or, à la
condition que ce ne soit point un vernis huileux, parce qu’on peut ensuite
recouvrir l’or sans le gâter avec le même vernis. Mais s’il est huileux
(excepté pourtant celui fait avec l’ambre), on ne doit faire ces sortes
d’ouvrages, que quand le vernis a recouvré son lustre et qu’il est tout à fait
poli.
Ayant donc bien uni la surface avec la pierre ponce, on trouvera d’abord
tout le lustre perdu et le vernis sera alors devenu comme de l’ébène.
Les chinois laissent beaucoup d’ouvrages de cette couleur, et c’est là
dessus qu’ils font leurs ouvrages d’or et d’argent. Afin de pouvoir donner tout
à fait le brillant, il faut prendre de la poudre de Tripoli avec laquelle on
polit les glaces. Avec cette poudre et un linge trempé dans l’huile d’olive, on
doit frotter l’ouvrage longtemps, et on le verra redevenir brillant peu à peu,
mais pas entièrement. Après l’avoir bien poli de cette manière, on ôte tout à
fait ce qui reste de gras, avec la fleur de farine. L’ouvrage étant achevé de
polir, on doit le frotter pendant quelques temps avec un morceau de linge, et
il aura un très beau lustre.
On peut aussi, au lieu de Tripoli, se servir de potée d’émeri, qui est
l’émeri broyé en poudre impalpable, et incorporé avec l’huile.
On peut également se contenter du brillant que le vernis a par lui-même,
et on pourra, après avoir bien uni la surface, la couvrir légèrement du même
vernis avec un pinceau fort doux et à grands coups, ainsi qu’ils le faisaient
au Japon, se servant, lorsqu’ils appliquent la dernière couche, d’un pinceau
fait avec des cheveux d’enfant. Lorsque cette dernière couche sera sèche, il faudra la frotter légèrement avec
un linge, parce qu’elle acquiert toujours plus de brillant, surtout s’il s’agit
de notre vernis huileux qui sera semblable à celui de Chine, qui ordinairement,
a un brillant comme l’émail ou le verre, mais un peu plus mât.
Le
vernis employé sur les métaux, qui doit s’endurcir en le cuisant, devient très
brillant. Et même s’il n’est pas parfaitement uni, il sera fort beau, et on
pourra l’orner avec un mordant, de figures ou de feuillages d’or. Si on le
souhaite uni, on pourra le polir de la même manière.
CHAPITRE X
X
Diverses compositions de couleurs
Ayant rapporté la façon de polir le vernis, il reste à expliquer de
quelle manière se font les compositions des différentes couleurs. Le Père
Athanase Kirker, dans la Chine illustrée,
en parlant des vernis composés avec des gommes dissoutes dans l’esprit de vin,
en rapporte quelques recettes, qui, d’après lui, auraient été pratiquées par le
Père Jamart, premier inventeur de ce vernis, comme d’autres l’ont rapporté
depuis.
En premier lieu, il faut teindre le bois de la couleur qu’on aime le
mieux, délayée dans le vernis même, en faisant le rouge avec le cinabre, le
noir avec (1) la fumée de résine, le jaune avec la gomme gutte, le bleu avec le
tournesol et de même des autres couleurs, qu’on recouvre ensuite avec le
vernis.
Dans les vernis huileux, on peut en user comme les chinois, et comme ils
mêlent les couleurs avec le chiaram avant de le noircir avec le vitriol, de
même nous pouvons les incorporer avec le vernis rapporté ci-dessus, avant de le
noircir avec le bitume de Judée. Lorsqu’il est noirci, on y ajoute du minium et
du cinabre, et on aura une très belle couleur de noix qu’on voit si souvent dans les ouvrages de la
Chine. Ils n’usent point d’art pour y donner le lustre, les laissant tous,
excepté le noir, tels qu’ils sont lorsqu’ils sont secs.
Presque tous les ouvriers de l’Europe qui travaille en vernis,
commencent ordinairement par teindre
leur sujet avec leurs couleurs délayées avec la colle de poisson ou de
parchemin, et la gomme arabique. Ensuite, ils mettent leurs vernis qui rendent
les couleurs beaucoup plus belles et plus vives.
Il ne sera point hors de propos de rapporter ici la manière de composer
un vernis d’un si beau rouge, qu’il surpasse le corail. On le pratique
ordinairement en France, et j’en ai vu des écritoires qui, étant garnies de
bronze et dorées, sont conservées dans les cabinets de Princes.
La manière de le composer m’a été communiquée par un cavalier allemand,
qui s’adonnait à la peinture. On doit d’abord teindre le sujet avec du minium
bien pulvérisé et délayé avec de la colle. Lorsqu’il est sec il faut mettre une
couche de laque de graine et la couvrir ensuite de carmin, sur lequel, en
donnant plusieurs couches de vernis
avec l’esprit de vin, comme on l’a déjà expliqué, on aura une parfaitement
belle couleur.
(1)
Noir de fumée, qui est de la suie de poix brûlée.
Comme
ce vernis est fort estimé et se vend très cher, il est bon de savoir le
composer soi-même comme on (1) le fait en France, d’où on l’exporte en Italie.
On prend le bois nommé vulgairement fernambourg, ou bois de Brésil,
qu’on importe d’Amérique en Europe. Il doit être de couleur orangée et odorant.
Il faut le réduire en petits copeaux ou le piler dans le mortier. Ensuite le
faire cuire dans le vinaigre distillé et y ajouter un peu d’alun de roche en
poudre et un peu de gomme arabique si on le veut. Quand il aura bouilli environ
un quart d’heure, il faut y ajouter un peu d’os de sèche en poudre, qui a la
propriété d’attirer à soi toutes l’impureté et de purifier la couleur. Quand il
y aura environ un tiers ou la moitié du vinaigre de consumé, il faut le filtrer
dans un linge fin et le faire rebouillir en y ajoutant la moitié d’un nouveau
vinaigre distillé. On le laissera bouillir jusqu’à ce qu’il sorte une écume,
qu’on prendra adroitement avec une cuillère et qu’on mettra dans des coquilles.
Cette écume étant sèche se réduit en poudre, pourvu qu’on y ait pas mis de
gomme auparavant. C’est ce qu’on appelle le carmin, que M. Champagne, gantier,
proche Saint Augustin, vendait à Rome dans des petits papiers.
(1) Les ornements dorés qu’on applique sur ce
vernis, ne sont point ordinairement en relief mais unis comme le reste de
l’ouvrage Voici la façon de les travailler :
Lorsque le vernis est sec et bien poli, on prend
un blanc d’œuf que l’on bât bien avec un petit bâton. On le laisse ensuite
reposer, et on en met avec un pinceau ou avec le doigt dans les endroits que
l’on veut dorer.
Ensuite on y applique des morceaux de feuille d’or
à peu près de la grandeur de la figure que l’on veut dorer.
Cela sèche immédiatement. Lorsque cela est sec, on
prend une épingle dont la pointe est un peu émoussée et qui est emmanchée dans
un petit bâton. On s’en sert pour, enlever l’or, en suivant le dessin que l’on
veut. Les traits peuvent être aussi fins qu’on le souhaite, jusqu’à faire même
les ombres par des hachures comme dans les estampes. Lorsqu’il y a des endroits
un peu grands où il faut enlever l’or, comme au bord de l’ouvrage, on se sert
d’un bâton aplati vers le bout que l’on mouille, et avec lequel on enlève
facilement l’or. Lorsque l’ouvrage est terminé, on le couvre d’une ou deux
couches de vernis clair, composé seulement de gomme laque dissoute dans
l’esprit de vin, cela conserve parfaitement l’or.
On peut
incorporer du noir de fumée dans ce vernis clair, et en donner plusieurs
couches sur du bois déjà noirci, cela donne un assez beau vernis et fort
facile. On le polit ensuite et on y fait des ornements d’or de la même façon
que je viens de rapporter pour le vernis rouge.
Comme il faut aussi employer de la laque de graine dans la teinture
précédente, il est bon de savoir la composer soi-même, sans avoir besoin du
secours des autres.
Dans Les secrets d’Alexis Piémontois (1), liv.4. page 90., voici comment
il est enseigné :
Prendre
une livre de tondures d’écarlate fine. La mettre dans un petit pot plein de
lessive, qui ne soit point trop forte. La faire bien bouillir, afin que la
lessive se charge de la couleur, puis, dans un petit sac pointu par le fond, y
mettre les tondures avec la lessive, afin qu’elle tombe dans un autre vase
propre. Laver le sac dans cette colature. Si les tondures sont encore colorées,
les faires bouillir avec d’autre lessive comme la première fois, jusqu’à ce
qu’elle soit sans couleur. Cette colature préparée, prendre de l’eau claire, y
faire dissoudre sur le feu, cinq onces d’alun de roche. Réchauffer la première
colature, et ayant mêlé le tout, le jeter dans un petit sac propre. Si la colature est encore rouge, la remettre
plusieurs fois dans le sac (2) jusqu’à ce que l’eau sorte claire. Enfin, avec
un couteau de bois ou d’os, ratisser le sac (en dehors) et ramasser la couleur
qui y est restée, que l’on mettra sécher à l’ombre sur quelque chose de propre.
Ce sera une très belle laque.
Le même
auteur (3), page 74 enseigne à faire la laque de brésil de cette manière :
Prendre
deux seaux de lessive très forte, y mettre une livre de tondures de laine
d’écarlate, faire bien bouillir le tout. Ensuite, le mettre dans un vaisseau de
pierre ou de faïence et y jeter une livre d’alun de roche en remuant avec une
spatule de bois. Y mettre ensuite et peu à peu deux seaux d’eau fraîche, verser
le tout dans un sac pointu et couler. Dans le sac on obtiendra la couleur, que
l’on mettra dans un vase de verre. Ensuite, faire bouillir le brésil (4)
jusqu’à ce que la liqueur ait baissé d’un doigt, et couleur par le feu.
Remettre cette colature sur le feu avec une once de gomme arabique en poudre,
et faire bouillir de nouveau jusqu’à ce que la liqueur baisse d’un doigt. La
jeter sur la couleur restée dans le sac, comme précité, en mêlant avec la
spatule de bois, puis la mettre dans le sac et faire filtrer l’eau claire. Ce
qui restera sur le filtre fera la laque qu’on fera sécher à l’ombre.
(1) Liv.5. page 76. Edit. d’Anvers, in-quarto 1557.
(2) Avec de nouvelle eau chaude, selon Alexis.
(3) Liv.5. page 80. de l’Edit. in-quarto.
(4) Dans un seau de lessive, selon le même Alexis.
Ce que j’ai dit de la France me rappelle quelques ouvrages de vernis qui
imitent si parfaitement l’écaille, qu’on en connaît difficilement la
différence. On ne sera point fâché de connaître la manière dont cela se fait.
Ayant préparé ce que l’on veut travailler, il faut commencer à le
teindre de couleur tirant sur le jaune, ou de rouge pâle, et sur le fond, faire
des tâches plus ou moins chargées de couleur avec le bitume de Judée dissout
dans l’huile d’aspic, ce qui fait l’effet des tâches que l’on voit sur
l’écaille (qui n’est point effectivement l’écaille appelée vulgairement de tortue
et par les latins testudo, mais celle
d’un poisson très différents, long d’une palme et large d’une demie).
Ayant ainsi préparé le fond, on le recouvre de vernis, surtout de celui
qui est composé de gomme laque et d’esprit de vin. On peut faire quelque chose
de fort ressemblant à cela derrière un verre, faisant avec le bitume de Judée
des traces plus ou moins grandes, et mettant par dessus un papier teint avec de
la terre jaune claire. On aura une tortue teinte fort belle et qui ne sera
point sujette à la corruption
Cette sorte de peinture me rappelle une façon curieuse de peindre des
figures sans
savoir dessiner (1) et avec beaucoup de
facilité.
On prend une estampe imprimée, on l’étend sur un châssis, on la frotte
ensuite de térébenthine distillée qu’on appelle esprit de térébenthine, qui
doit être chaud, puis, en tenant l’estampe suspendue contre le jour, il faut la
peindre par derrière avec des couleurs broyées avec l’huile de lin. Ceci sans
faire aucune ombre, mais seulement en faisant par exemple un habit rouge, une
visage couleur de chair, un arbre vert et de même toutes les autres parties,
qui paraîtront comme si elles étaient ombrées à cause des ombres de l’estampe.
Si on se sert pour cet ouvrage d’huile de noix clarifiée, avec la poudre
de plâtre neuf, en les brouillant bien ensemble dans une carafe, et en les
laissant reposer, les couleurs ne jauniront point. L’huile de térébenthine se
distille dans une petite cornue de verre sur les cendres chaudes.
(1) Cette matière ne réussit pas fort bien, à
moins que le papier ne soit très mince, parce que l’esprit de térébenthine
étant sec, la rend très peu transparente et que, d’ailleurs, il fait que les
couleurs à l’huile s’étendent et que celles qui sont proches les unes des
autres se mêlent.
Mais il
y a plusieurs manières pour cet effet et qui réussissent fort bien. Par exemple
: on fait chauffer le verre sur lequel on veut coller l’estampe.
On le
frotte de térébenthine commune et ensuite on y applique l’estampe du côté de la
gravure. Environ deux heures après, on peut, avec le doigt mouillé, enlever
presque tout le papier de l’estampe. Il n’en restera qu’une très petite
épaisseur avec la gravure qui sera conservée toute entière. On peint ensuite
par derrière comme il est dit ici.
Avant de finir ce que j’ai à dire sur les vernis, je ne dois pas manquer
d’avertir que lorsqu'on veut faire des ornements d’or, on peut les faire de
diverses manières et de différentes couleurs.
On n’emploie point ordinairement l’or fin battu en feuilles et encore
moins broyé en poudre, parce que la dépense serait excessive. On se sert d’or
faux dont le plus beau se fait en Allemagne et surtout à Ausbourg. Il est très
brillant, principalement quand il est ranimé par le vernis de gomme laque. On
emploie de la même manière l’or faux en poudre. On en trouve de ce dernier de
plusieurs couleurs, plus ou moins foncées qui, lorsqu’elles sont bien
distribuées, font un très bel effet. On emploie aussi la purpurine, qui est une
composition d’alchimie tirant sur la couleur bronze. Pour l’avoir encore plus
belle, on l’apprête de la manière suivante, qui est rapportée dans « Les
secrets d’Alexis Piémontois » (1) : Prendre dit-il, de la purpurine et la
remuer avec le doigt dans une petite écuelle, avec de l’urine que l’on y verse peu
à peu. Après l’avoir bien mêlée, remplir d’urine claire l’écuelle et laisser
précipiter au fond la purpurine. Verser ensuite l’urine par inclination.
Refaire ensuite la même opération jusqu’à ce que l’urine demeure claire, puis
filtrer au travers d’un linge et y mêler un peu de safran. Cela s’emploie avec
de l’eau gommée. A la place d’urine, on peut substituer de la lessive.
En Allemagne, on travaille encore une sorte de poudre qui ressemble à du
cuivre pulvérisé. On en fait de plusieurs couleurs et on la ferme avec un tuyau
de cuivre fermé d’une serge en façon d’un petit tamis, sur le vernis avant
qu’il soit sec, ce qui donne un bel effet.
Outre ces poudres, il y a celle de couleur d’or qui, étant couleur d’une
couche de vernis de bitume de Judée, acquiert une couleur semblable au cuivre.
De même que celle qui imite l’argent qui, étant couverte d’un vernis couleur d’or, devient semblable à
l’or. Avec ces poudres, on peut imiter l’aventurine, les jettant sur le vernis,
puis les recouvrant d’une couche du même vernis.
(1) Page 79. de la même Edition citée ci-dessus,
il y rapporte la composition de la purpurine, qui est un mélange d’étain, de
mercure, de soufre et du sel d’ammoniaque.
Page 83 il rapporte la même
chose.
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P I T R E X
X I
La manière de cuire les vernis
Comme il est nécessaire d’employer le feu dans presque toutes les
compositions de vernis, et surtout dans celles qui demandent une longue
cuisson, qu’un feu uniforme et modéré est indispensable afin que les gommes
puissent se fondre et s’incorporer parfaitement, qu’il ne faut pas qu’elles
bouillent violemment mais qu’elles chauffent d’une façon douce et continue afin
qu’elles soient bien digérées dans le vaisseau de verre et que les vaisseaux ne
se cassent point, il est bon de donner une matière d’opérer de façon sûre.
Plusieurs se servent de ce que l’on appelle bain-marie, qui consiste à
mettre le vase qui contient le vernis dans un
autre plein d’eau qui, bouillant sur le feu sur lequel on le met,
communique sa chaleur aux gommes renfermées dans le vaisseau plongé dans l’eau.
Cette manière de faire est excellente, mais il n’est pas aisé de régler
la chaleur de l’eau bouillante de façon qu’elle soit toujours égale. D’autre
part, cela demande la présence de quelqu’un pour y veiller. Il sera donc
préférable de s’y prendre d’une manière plus aisée, plus égale et de moindre
embarras. Ainsi, l’artiste peut être sûr que pendant qu’il dort, son feu va
toujours de façon égale et qu’il se fait une digestion parfaite des gommes
renfermées dans le vase de verre.
On doit choisir le vase tel qu’il puisse contenir une fois plus de
matière que ce qu’on y met, car l’ouverture devant en être étroite et bien
fermée comme celle d’un alambic, les esprits du vernis pourront circuler, et
sans s’évaporer, dissoudre par leur action les gommes qui y infusent. En second
lieu, il doit être arrondi et sans reprise au fond, ce qui le ferait casser
facilement.
Ce vase ainsi préparé peut se mettre au bain-marie ou au bain de sable, qui n’est autre chose qu’une
écuelle de cuivre (1) pleine de cendres
ou de sable, dans laquelle on enfonce le vaisseau de verre jusqu’à la hauteur
de la matière qui doit être digérée. Il faut allumer du feu sous ce vase de cuivre,
et afin qu’il ait assez de violence pour la cuisson qu’on désire et qu’il dure
de façon égale pendant plusieurs heures, il n’y a point de meilleure manière
que de se servir d’un fourneau appelé à (2) vent. Parmi ceux de ce genre, le
meilleur est celui que je décris pour ceux qui ne le connaissent point.
(1) De fer ou de terre.
(2) Athanor et non pas fourneau à vent, qui sert pour les fusions
violentes et
est d’une forme toute
différente.
Voici
la façon de s’en servir :
Voir
figure 4, A. B. est un trou rond, sur lequel doit se mettre l’écuelle pleine de
sable ou d’eau, avec le vase qui contient le vernis. On doit remplir de charbon
le tuyau C. D. et fermer l’ouverture supérieure (1) C. On allume par le trou du
côté G. le charbon qui est tombé du tuyau C.D. qu’il faudra boucher avec un
couvercle de terre bien ajusté, afin que le feu ne prenne point à tout le
charbon.
Le trou
F.(2) doit pareillement pouvoir se fermer et ouvrir selon le besoin de même que
le trou G.
Voir la
figure du fourneau coupé par le milieu, où l’on découvre ses parties
intérieures, soit A.B. le vide qui reçoit l’écuelle du bain H.I. le tuyau C.F.
plein de charbon qui répond au dessous (3) et un peu à côté de l’ouverture A.
B.G.
est un autre canal, par lequel l’air entre sous une grille posée au dessous des
deux vases, ou du vide A.B.G. les charbons tombant sur cette grille y restent
tant qu’ils sont allumés et la cendre passe à travers. On la retire par
l’ouverture F. avec un morceau de fer ou une cuillère. L’instrument préparé de
cette sorte, on met le feu par l’ouverture A.B. au charbon qui est tombé sur la
grille, et on le laisse allumer par le moyen de l’air qui, entrant par le canal
ouvert en F. et ne trouvant point d’issue, tâchera de sortir par le trou G. et
entretiendra le charbon plus ou moins allumé, selon qu’on donnera plus ou moins
d’issue à l’air par l’ouverture G.
Les
charbons qui seront les premiers tombés du tuyau C.D. étant consumés, les
autres viendront à la place et successivement, le feu demeurera égal tant qu’il
y aura du charbon dans le tuyau C.D. qui doit toujours être bien fermé en C.,
autrement tout le charbon s’allumerait à la fois.
Les choses ainsi disposées, le feu pourra s’augmenter ou diminuer à
volonté, en se réglant par le moyen des trous F.G. qui, s’ils sont parfaitement
bouchés et qu’ils ne laissent point de passage à l’air, éteindront le feu.
Cette
manière est excellente pour avoir toujours le même degré de chaleur, avec
laquelle on fait une parfaite digestion dans le vase déjà échauffé, sans être
obligé d’être continuellement présent pour entretenir le feu et faire bouillir
la matière qu’on fait digérer.
On peut
cuire de la même manière les huiles et les esprits de térébenthine, la poix
grecque, la résine de pin, l’huile de lin. On réussira aussi à composer tous
les vernis oléagineux par le même moyen.
(1)Fig. d’en haut.
(2)Fig. d’en bas.
(3)Fig. d’en haut.
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P I T R E
X X I I
Diverses compositions de couleurs dont certaines
servent d’embellissement au vernis
- I -
Manière de faire le vernis sur lequel on puisse
écrire avec une aiguille de laiton
On importe d’Allemagne en Italie, des petits livres composés de feuilles
couvertes d’un certain bitume ou vernis, sur lequel on peut écrire avec une
aiguille de laiton, puis, avec un linge
mouillé, on peut effacer l’écriture pour y écrire de nouveau. Ceux-ci
s’appellent ordinairement livres de mémoire, et la façon de les faire est
enseignée dans les Secrets d’Alexis Piémontois (1), liv.5 page 74 de la manière
suivante:
Prendre
du plâtre passé dans un tamis très fin, l’incorporer avec de la colle
d’Allemagne ou quelque chose de semblable, et en couvrir la planche, le papier
ou la toile. Une fois sec, ratisser pour bien l’unir et recouvrir de plâtre
comme la première fois. Cette seconde couche étant sèche, on en donnera une de
céruse bien broyée avec de l’huile de lin cuite, mais il faut donner la couche
légère et bien l’unir avec le doigt, puis la laisser sécher à l’ombre cinq ou
six jours. Prendre ensuite un linge mouillé, avec lequel on polira la surface.
On pourra y écrire au bout de vingt jours environ avec une aiguille de laiton,
dont la pointe ne soit point aigue, mais arrondie.
- I I -
Composition d’une couleur rouge semblable au
cinabre
C’est le même Alexis (2) page. 75. qui l’enseigne, disant : prendre une once de brésil, le couper en petits morceaux, broyer ensuite un quart d’once de céruse et autant d’alun, mêler le tout et y mettre de l’urine jusqu’à ce qu’elle surnage. Laisser le tout trois ou quatre jours en remuant le vaisseau plusieurs fois par jour, puis filtrer au travers d’un linge, dans un vase de terre non vernis et, l’ayant couvert, le mettre sécher dans un lieu sombre. Etant sec, on recueille cette poudre subtile et on l’emploie avec l’eau gommée.
(1) Page 80 de l’Edit. citée
ci-dessus.
(2) Page 89 de l’Edition
précédente.
(3) L’ayant couvert (il faut
que ce soit une faute) car Alexis, pag. 81. ne dit point
qu’il faille qu’il le soit, d’autant plus que s’il l’était, la
liqueur ne pourrait pas
s’évanouir, et il ne sécherait point.
- I I I
-
Pour donner au suc de brésil quatre différentes
couleurs
On cuit le brésil dans l’eau
claire, jusqu’à la diminution d’un
tiers. L’infusion sera rouge. On la sépare en quatre parties, l’une
desquelles demeurera rouge sans n’y rien ajouter. La seconde avec un peu de
chaux sera pourpre. La troisième, avec la lessive, sera violette et la
quatrième avec de l’alun, sera noire.
- I V -
Pour faire la couleur du brésil d’une autre façon
Prendre du brésil en copeaux,
en mettre infuser pendant une nuit dans de l’eau où on aura mis un peu de chaux
vive, et qui soit en telle quantité que la liqueur la surnage. Le faire
bouillir assez longtemps et jusqu’à la diminution de la moitié de la liqueur.
La verser par inclination et y mettre un peu d’alun de roche pulvérisé, avant
que la liqueur soit refroidie. Cette composition étant sèche, s’emploie avec un
peu de gomme.
- V -
Pour faire un très beau vert, pour peindre en
miniature
Prendre verdet gris, litharge et argent vif, incorporer le
tout avec urine d’enfant, s’en servir et on aura un vert d’émeraude.
-V I -
Liqueur de couleur d’or pour bois, fer et
semblables
Prendre un oeuf frais du jour
et, par un petit trou, en faire sortir le blanc. Le remplir par le même trou,
d’une partie de sel d’amoniaque et de deux
d’argent vif. Mêler ensemble et avec un petit bâton, les faire bien
incorporer avec le jaune de l’oeuf. Fermer ensuite le trou avec de la coquille
d’oeuf et de la cire, et mettre par dessus une autre coquille, comme une espèce
de calotte. Mettre le tout au fumier de cheval, de manière que le trou soit en
haut. Le laisser ainsi digérer pendant vingt jours ou plus, puis le retirer. On
aura une liqueur comme l’or que l’on pourra délayer avec l’eau gommée.
Il y a une autre manière qui
est celle-ci : prendre l’écorce jaune de citron, bien la piler dans un mortier
de bois ou de pierre, et la mêler avec du souffre jaune et transparent bien
broyé. Mettre le tout dans une bouteille de verre bien bouchée et la laisser
dans un lieu humide comme une cave, pendant huit ou dix jours. On aura une très
belle couleur d’or, qu’il faut chauffer avant de s’en servir.
Ces compositions sont très
bonnes pour faire des ouvrages, comme les chinois, qui paraissent d’or, tirant
cependant plutôt sur la couleur de terre jaune.
- V I I
-
Pour faire une très belle couleur verte
Prendre verdet gris en poudre,
litharge d’or et argent vif en parties égales. Les broyer subtilement sur le
porphyre avec de l’urine d’enfant. Mettre le tout dans une bouteille au fumier
de cheval pendant vingt jours, les broyer une autre fois ensuite et on aura un
très beau vert.
- V I I I -
Azur
sans lapis lazuli
Argent vif deux parties,
souffre trois parties, sel d’ammoniaque quatre parties. Mettre le tout dans une
bouteille bien lutée sur le fourneau à
vent, et quand on voit une fumée azurée, la retirer du feu. Ce sera,
lorsqu’elle sera refroidie, une très belle couleur.
- I X -
Pour imiter le lapis - lazuli
On prend de l’azur ou de
l’émail délayé avec du vernis de gomme laque, et avant qu’il soit sec, y fermer
de la poudre d’or. Lorsqu’il sera sec, donner plusieurs couches de vernis
clair, et polir comme il est enseigné chap. 21.
- X -
Imitation du porphyre
Pour imiter le porphyre, on
fait le fond de terre rouge d’Angleterre, ou avec du cinabre et un peu de noir,
puis on le poudre avec de la céruse. On la recouvre de vernis et on polit.
- X I -
Vernis coloré et transparent
Pour le rouge, on le mêle avec
le vernis, le sang dragon, la laque fine, la cochenille ou le kermez. Le pourpre
se fait avec le tournesol ou le campège,
Le vert avec le verdet gris ou la cendre verte, le bleu avec l’indigo ou
le (1) pastel.
(1) Pastel ou guesde, plante
qui croit en Languedoc, et dont la fleur macérée avec de l’eau croupie, fait
une couleur bleue foncée et tirant sur le noir.
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