

John Singer Sargent : Madame Poisson face à son altesse Pozzi
Les temps de séchage posent un vrai problème aux non-professionnels. Ils ne peignent pas de manière continue et veulent finir vite. C'est là probablement une des raisons pour laquelle la technique de la peinture se dégrade si vite de nos jours. Rappelons que Picasso ou Bernard Buffet étaient restaurés de leur vivant. Botticelli doit bien rigoler dans son Paradis.
Bref. N'importe quel restaurateur vous dira que la peinture à l'huile met un temps incroyable à "sécher". Et que d'ailleurs elle ne sèche pas, mais subit une très lente transformation atomique, jusqu'à devenir quasi indestructible. Ce sont les supports qui, la plupart du temps posent problèmes.
Certes, on voit bien qu'elle craque plus ou moins finement, mais on n'a jamais vu une oeuvre correctement exécutée tomber en miette sur la moquette, comme j'en ai été témoin chez une amie. La pâte trop sèche, directement appliquée sur une toile non préparée, s'est d'abord fendue, puis est tombée par plaques pour finalement s'effondrer sur la moquette. Cette même amie possède une toile de Georges Mathieu dont toutes la couleurs ont passé. On ne voit plus que la signature, c'est à dire, je suppose, l'essentiel. (Je ne rapporte pas l'anecdote par dégoût de ce peintre, que j'estime par ailleurs. Je ne parle que de technique)
Il faut signaler que la plupart des toiles du XIXe siècle ont été atteinte par le bitume, nouvelle teinte qui en a ruiné une grande majorité. Les réactions chimiques entre les pigments
peuvent aboutir à des résultats désastreux : Chacun s'extasie sur l'oeuvre de Turner sans se douter un instant qu'elle a été défigurée par ce fameux bitume, mais également par les réactions du blanc d'argent, contenant de l'oxyde de plomb. Je ne parlerai pas de Gauguin, dont l'oeuvre ne peut être réellement considérée que par photo interposée tant son support de lin non préparé et ses couleurs maigres ont été dégradées.
Les anciens ne peignaient pas qu'une toile dans une année. Ils n'en peignaient pas non plus une par jour. Ils organisaient leur travail non en fonction des commandes, mais les commandes en fonction du temps qu'il fallait pour les exécuter. C'était le cas de Jacques Poirier, qui respectait non seulement les temps, mais aussi les techniques
.
Jacques Poirier : autoportrait
Logiquement, on devrait toujours avoir plusieurs oeuvres en cours. Au moins trois, qu'on travaille à tour de rôle, au moins à trois semaines d'intervalle. Mais on peut aussi travailler une partie, puis une autre et ainsi de suite jusqu'à l'étape ultime ou l'ensemble en est au même point.
Personnellement, comme je travaille d'abord au vinyle, j'élimine la plupart des temps de séchage. Mieux l'oeuvre est avancée au vinyle, mieux je peux fignoler à l'huile, pour le meilleur de l'huile : les fondus, les contre-éclairages, les subtilités. C'est cette technique qu'emploient des peintres comme Gilou, Cadiou ou Nadine Leprince. Nous pouvons faire entrer dans cette catégorie tous les peintres de la tendance Maxiréalistes ainsi que ceux choisis par la Galerie Michelle Boulet.


Pierre Gilou
Nadine Leprince
Henri Cadiou
Dans tous les cas, on aura intérêt à s'organiser en vertu du temps de séchage. Soit on avance d'une traite sur une séance ou plusieurs jours soit on divise le travail en plusieurs étapes qu'on respecte ensuite. Lorsqu'on s'interrompt plus d'une journée - et compte tenu du fait que nos médiums contiennent de la résine - il vaut mieux attendre deux semaines avant de reprendre. Cette reprise se fera en étendant un film léger de médium sur la partie à retravailler, ce qui nous permet de repartir. La prochaine séance se concentrera sur une autre partie du tableau, et ainsi de suite.