ESSAI DE TECHNIQUE IDÉALE pour le portrait
Usage et mésusage du blanc

El Greco
El Greco : porter sa croix

On vous dira que j'interdis l'usage du blanc. C'est évidemment faux. Il est indispensable. Mais c'est une grave erreur que de l'utiliser en facilité, croyant qu'il éclaircit les teintes. Il ne fait que les plâtrer et les ternir. De plus, la lumière n'est blanche que si on le décide disons, artificiellement. La lumière naturelle est soit bleue, à cause du ciel, soit du jaune paille au rouge-orangé selon l'heure solaire.
Il y a bien des moyens de peindre l'effet lumineux. On peut foncer les ombres, par exemple, pour accuser le contraste. Les couleurs étant relatives, on peut violacer l'ombre et jaunir la lumière. L'effet lumineux ne vient pas du fait qu'on ajoute une tonne de blanc, mais du contraste entre le clair et le foncé. Il suffit souvent d'approfondir une ombre pour donner de l'éclat à la lumière.
De toutes manières, sauf en fin de travail pour l'éclat sur un verre, un reflet sur une coupe, une lueur intense, il est préférable de ne pas utiliser de blanc pur dans le cours de l'ouvrage. On lui préférera le jaune de Naples. (Le meilleur de tous est fabriqué par Leroux. il est éclatant et superbement couvrant).
La lumière ne tombe pas sur les objets comme de la poussière ou de la neige. Elle entre dans le corps des choses, qui absorbe le rayonnement et renvoie la couleur. La lumière ne tombe pas sur les choses mais en sort. Cela change tout. Il faudra éclaircir la couleur de l'objet et l'éclaircir dans sa masse. Si on parvient au blanc, ce sera à la fin, dans la couche finale. Comme les teintes remontent, ce blanc sera soutenu et sortira de quelque chose, au lieu d'être plaqué et maigre, comme je le vois trop souvent.
Voilà pourquoi je commence toujours au plus foncé. Pour que la couleur sorte des choses progressivement, jusqu'à l'illumination.

Alexandra
"Alexandra", détail


J'ai appelé cette méthode "peindre en pyramide". Par exemple sur un objet de bronze, comme dans "Alexandra" On vise le point d'impact de la lumière en éclaircissant la couleur foncée du bronze (un mélange de noir, d'indigo et d'ocre jaune) avec un peu plus d'ocre jaune. On la place sur les endroits adéquats puis on fond délicatement, en sachant s'arrêter ( beaucoup vont trop loin. Il s'agit de rester en place). On ré-éclaircit encore avec de l'ocre jaune auquel on ajoute une pointe de jaune de Naples. On recommence sur les points d'impact de la lumière, on fond encore mais cette fois on s'arrete avant la première limite. On répète l'opération en ajoutant chaque fois un peu plus de jaune de Naples dans la couleur bronze, puis du jaune titane nickel. Chaque fois, on rétrécit la zone. On comprendra que la première couche ne devait pas être épaisse, sinon on serait dans une patinoire. Tout doit se faire en finesse. Le blanc n'apparaît que dans la dernière touche, bien au centre de la zone éclairée. On fignole ensuite avec du blanc pur dans lequel on a glissé un soupçon de bleu phtalocyanine. J'ai bien dit un soupçon car ce bleu est envahissant.

Bal blanc
"Bal blanc", détail

Même procédé pour la lumière sur le personnage. Tout tient donc dans la délimitation des zones. Si vous ne devez vous souvenir que d'une chose, c'est que la lumière vient de l'intérieur, contrairement à la poussière, qui tombe dessus. A utiliser le blanc improprement, on ternit tout et on passe à côté de la cible. Ne l'utilisez qu'en dernier lieu. Éclaircissez avec toute la gamme des jaunes, jusqu'au nickel titane pour vous laisser le dernier recours libre.

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