VERNIR UNE ŒUVRE

"La chambre des secrets" huile sur toile, 65x81cm 2006
On ne vernit pas pour "faire joli ",
mais pour protéger l’œuvre.
Quoiqu’il en soit, l’opération
arrange souvent bien les choses, surtout aujourd'hui où tout le
monde est pressé et s’impatiente des temps de séchage. Ainsi,
les embus, les griffures, les poussières, les ternitudes, tout
cela disparaît (ou semble disparaître) sous le vernis final, magique et hollywoodien.
Pour ma part, je m'amuse assez dans les salons, à trouver toutes sortes de choses sous les vernis : poils, cheveux, miettes de sandwiches, éléments indéterminables, tous éminemment disgracieux et qui en disent long sur le soin apporté à l'oeuvre. (je ne cite personne, mais ce n'est pas l'envie qui m'en manque!) J'imagine une commode "Boule" ou un meuble chinois laqué où l'on trouverait les poubelles du matin.
Il est très difficile d'éviter ce genre d'accident, en réalité. L'huile est électrostatique : on voit les poussières dévier de leur trajectoire pour venir se coller droit sur notre oeuvre. Les moucherons adorent le bleu : ils vont directement s'engluer au ciel. Les poils de chat sont redoutables. Il n'y a guère que les miettes de sandwiches qu'on peut éviter en allant au restaurant.
Alors, comment font les anciens ?
Ils ont exactement les mêmes problèmes que nous. Aucun chat n'entre dans l'atelier. Celui-ci, bien clos été comme hiver ne laisse rien passer (Vous imaginez la peinture en extérieur!!!!), l'ouvrage est immédiatement recouvert d'un linge humide et, dans la mesure du climat, placé en plein soleil - puisque l'huile polymérise mieux à la lumière - Et surtout, avant chaque séance, le travail est nettoyé soigneusement, souvent gratté avec délicatesse à l'aide d'une "feuille de laurier", instrument coupant de la forme d'une feuille.

Par ailleurs, on pulvérise souvent de l'eau sur le chauffage, pour humidifier l'air. L'air humide entraîne, en tombant, les poussières. Et rien de tout cela ne correspond à l'esprit de notre époque.
Malgré tout, si vous voulez un travail correct, vous serez attentifs à bien nettoyer votre toile à chaque séance, quitte à poncer, gratter au couteau à défaut de feuille de laurier, pour finalement la dégraisser à la décoction de bois de Panama. L'idéal étant un mélange de Panama, fiel de boeuf et saponaire dilués.
On peut ainsi parvenir à une surface propre et lisse. Les luthiers y parviennent.
Dans un premier temps, on protégera
l’œuvre avec un vernis léger, dit "à retoucher".
Souvenons-nous que la peinture à l’huile
ne "sèche pas " mais polymérise, c’est à
dire qu’elle durcit grâce à un échange d’atomes, d’abord
en surface, ensuite dans la profondeur. Une peinture en pâte mettra
des années avant d’être entièrement durcie. Certains restaurateurs prétendent qu'au bout de cent ans, le processus n'est pas encore terminé.
Il faudra pourtant vernir de notre vivant.
Disons qu'un an serait l'idéal, six mois possibles, trois mois meilleurs qu'un. Lorsqu'on invite les intimes et les collectionneurs à un "Vernissage" c'est justement pour assister à cette séance mémorable d'oeuvres qu'on va recouvrir de leur protection finale, ce qui signifie qu'elles sont aptes à vivre leur vie dans le monde.
Le vernis final, en général de résine Dammar, que personnellement je coupe d'essence de térébenthine pour le fluidifier, est étendu
rapidement au spalter, en croisant deux passages, un dans le sens de la
hauteur, l’autre dans la largeur, et l’on s’arrête, car le vernis
sèche vite. Si l’on continuait, on risquerait de marquer. ( Vous imaginez le désastre si la peinture n'est pas sèche. L'essence ramollit la surface et fait fondre la peinture )
Une autre méthode consiste
à mêler du médium flamand en gel et de l’essence d’aspic
jusqu'à l’obtention d’un liquide pâteux qu’on étale
au couteau. On obtient une surface quasi vitrifiée, qu’on peut
encore poncer, une fois sèche, pour recommencer l'opération. On obtient un résultat digne d’une
laque chinoise. Qui sera néanmoins impossible à dévernir ensuite. Qu'on y réfléchisse bien avant.
Dans tous les cas, on laisse sécher à plat, pour éviter les coulures. |