ESSAI DE TECHNIQUE IDÉALE
pour la peinture à l'huile

LES GLACIS
Henk SENTEL
Henk Sentel, travail en glacis

Le glacis est une couche mince de couleur transparente qui, appliquée avec délicatesse, peut rendre des services inimaginables. Son utilisation n’est pas aisée, il faut procéder avec précaution, mais une fois le procédé maîtrisé, il n’a pas son pareil pour rendre les profondeurs, rectifier la teinte, adoucir les contours, repousser les lointains, et bien d’autres choses encore.

Les pigments, pour tenir, ont besoin d’un fixateur. C’est le médium, l’intermédiaire. Ce médium a évolué au cours des siècles. Bien des tentatives ont été faites, mais une s’est imposée assez vite : le jaune d’œuf.

Les pigments ainsi traités au jaune d’oeuf sont dits : à tempera. C’était la manière de peindre jusqu'à l’invention du procédé à l’huile, (Botticelli peignait à tempera), au XVe siècle environ. Mais le changement ne s’est pas opéré de manière brutale. Au contraire. Les deux méthodes ont très souvent coexisté et dans bien des cas, les dessous furent traités à tempera tandis que la finition s’effectuait à l’huile et, au début, par glacis.

Dans "la madone à l’enfant" de Raphael, qu’on peut voir au musée de Chantilly, par exemple, on peut constater que les étoffes ont été peintes en grisaille et mises en couleur par un glacis de bleu. ( Et d’ailleurs pas très bien !)

Une madone
Ce n'est pas cette madone là, mais presque.


Certains peintres de portraits allaient très loin dans ce sens : sur un fond de visage peint à tempéra très clair, ils posaient des couches d’ombres légères, superposées, jusqu'à l’obtention d’un arrondi étonnant. Première couche de la joue à l’oreille, par exemple, –temps de séchage–, de la pommette à l’oreille, –temps de séchage–, un centimètre plus loin jusqu'à l’oreille, etc. , ceci dix à quinze fois de suite, jusqu'à l’obtention d’un dégradé invisible, doux et velouté. (Leonard à peint la Joconde de cette manière : la raison pour laquelle on ne voit pas trace d'un pinceau.)

La technique du glacis est très difficile. Elle suppose une connaissance parfaite du procédé à l’huile. Pour obtenir un bleu particulier, il faut parfois prévoir une sous-couche rouge, qui sera ensuite recouverte. Idem pour certains verts, qui seront d’abords bleus, puis glacés en jaune, ou l’inverse, d’un jaune qui sera ensuite "bleui ". Certaines partie, qui devront être spécialement lumineuses, seront traitées en blanc, puis glacées dans la couleur (un rouge vif, par exemple).
Aucune peinture directe ne peut rivaliser avec ce traitement, très spectaculaire à cause de la diffraction de la lumière, la couche transparente faisant effet de "loupe ". Le glacis permet également de modifier la profondeur d’une composition. On a vu, au chapitre de la perspective colorée que le rouge rapproche et que le bleu éloigne : un glacis peut parfaitement réparer une éventuelle maladresse.

Idem en portrait. Un glacis de stil de grain brun, par exemple, peut permettre de repartir sur une teinte un peu plâtreuse, pour la rehausser ensuite. Le meilleur moyen de comprendre la manière d’utiliser le glacis est encore de faire cet exercice : reprenons notre planche de "petits carrés" ou refaisons en une. Attendons qu’elle soit sèche, puis sortons nos laques :stil de grain jaune (ou jaune indien), stil de grain, brun oxyde transparent, oxyde orange transparent, oxyde rouge transparent, bitume ( aujourd’hui, après avoir ruiné les peintures du XIXe siècle, il a été rectifié !), laque de garance, laque carminée, rose quinachridone, bleu phtalocyanine, indigo (qui n’est pas une laque, mais peut parfaitement servir) vert Phtalo, etc.... et, mêlées à un médium à peindre style "Turner" ou encore "flamand" en gel, dilué à l’essence de térébenthine, recouvrons les carrés de différentes manières, pour considérer l’effet produit. Ensuite, tentons de même avec différentes couleurs dont nous disposons. Laques ou pas. Voyons l’effet produit. Essayons aussi avec du blanc en mélange : et voilà comment on fait un voile, en plusieurs fois, par superpositions.
C’est le début d’un grand voyage !

Marguerite Grange
Marguerite Grange "Les citrons", huile sur toile

Lorsque vous regarderez une œuvre de maître, ne regardez plus seulement le sujet : essayez de voir comment il a fait, par quoi il a commencé, comment son œuvre a été construite. Enfin, où et comment il a employé les glacis. Mais en tout état de cause, ne négligez jamais les temps de séchage.

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