ESSAI DE TECHNIQUE IDÉALE
pour la peinture à l'huile
EXERCICE POUR LA COULEUR

Laurent
Laurent Tourneur : exercice.

 

L’exercice à faire, pour la couleur, est celui dit " des petits carrés ". On a compris qu’ici, il est hors de question de prendre les couleurs du commerce telles qu’elles sortent du tube. On n'utilisera que les primaires, comme indiqué précédemment : rose quinachridone, bleu phtalocyanine, jaune primaire et du blanc.

Normalement, on devrait arriver en séance et refaire d’une traite la palette, sans presque y penser, et tomber juste du premier coup. Un musicien fait des gammes : nous aussi. On fera l’exercice au couteau à peindre, sans précaution pour le dessin : juste pour la jouissance de la couleur, sa finesse, ses nuances. Après quoi, on recommence avec du rouge : autant de nuances qu’on peut, sans jamais sortir du ton. Après peu, on n’aura plus de problèmes et l’on ne cherchera pas plus ses teintes qu’un pianiste les touches de son piano. On prendra une toile de dimensions moyennes. Un 15F fera parfaitement l’affaire, que l’on ne prépare pas, puisqu’on va travailler au couteau. On trace sur cette toile des carrés de 4 cm sur 4cm.
On se référera aux natures mortes du XVIIe siècle. Elles ont été élaborées sur une base colorée moyenne, sorte de brun verdâtre qui, selon les oeuvres, va du gris au vert en passant par le brun.

Rembrandt
Rembrandt : le moulin


Toutes les nuances du tableau sont relatives à cette base colorée. Elle est partout, dans toutes les autres couleurs, selon un pourcentage variable. C’est elle qui crée l’harmonie. Comme en musique, c’est la fondamentale et tous les accords vont pouvoir se développer autour. Cela ne jure que si ça sort de la gamme : cela peut d’ailleurs s’utiliser. Une dissonance maîtrisée peut parfaitement servir une œuvre.


Exemple : Adrian Van der Spelt : nature morte de fleurs au rideau.


L'artiste s'est servi d'un écart de gamme pour donner a son rideau un réalisme de trompe l'oeil. Avec cela, on doit pouvoir tout faire. Et d’abord notre fondamentale.


Exemple type du travail hollandais du XVIIe siècle :
une teinte moyenne et neutre capable d'accepter tous les nuances

On peut voir dans cette nature morte de Pieter Claesz (1597/1660), le parfait exemple de ce qui est dit plus haut : tout comme en musique, on trouve la fondamentale (ici, un ton de bistre verdâtre) et toutes sortes d’accords dérivés allant du gris-brun roux au gris brun vert avec, parfois, une nuance de rose, quelque éclat d’ocre jaune rehaussé de jaune de Naples (dans le verre, notamment). On notera l’importance donnée au dessin, ici d’une rigueur extrême, mais surtout la quasi ternitude de l’ensemble qui donne toute son importance à la lumière soudaine qui frappe le pied de la coupe renversée et l’olive. On considérera l’intelligence de la mise en scène : l’œil est obligé au parcours : le verre d’abord, puis l’olive, enfin la lumière du fond. Quoique le tableau soit quasi monochrome, il ne génére aucun ennui. Il est bien trop subtilement nuancé pour cela. Qu’on se souvienne qu’en peinture, comme peut-être dans la vie, la différence dans la répétition est source d’émerveillement. L’esprit humain est toujours fasciné par ce qui est à la fois "pareil " et pourtant "différent ", ce qui est le cas, par exemple, d’un feu d’artifice...et dans l'humanité, quand on l'aime.


Autre exemple : Jean-Baptiste Siméon Chardin : Nature morte au faisan, tableau de 1760.

Travaillé autour des terres de Sienne, ocres jaunes et rouges, ce somptueux tableau présente toutes les variations chaudes et raffinées d’un métier parfait.

Il ne s'agit pas de "dégradé", mais d'une déclinaison. Le dégradé consiste à modifier la couleur avec un seul ajout, par exemple un peu de jaune à chaque carreau. La déclinaison va ajouter une nuance supplémentaire à chaque dégradé par l'adjonction quasi imperceptible de bleu, par exemple à 2¨%, et du rouge à 4%. Le pourcentage devra être différent à chaque mélange, ce qui va donner une succession de carreaux de la même couleur mais pas de la même teinte. Jusqu'à ce que l'ensemble se modifie.


Exemple d’un début de gamme en partant de la fondamentale, à gauche


2 Autre partie du même travail

L’expérience montre qu’on utilise presque toujours les mêmes teintes de base.
Voici une proposition de palette : Toutes les couleurs de mars (oxydes de fer) ; jaune de Mars, jaune-orangé de Mars, rouge de Mars (ou rouge Anglais), violet de Mars, brun de Mars, vert oxyde de chrome (qu’on peut moduler magnifiquement avec les Mars), rouge de Cadmium clair *, Violet caput mortum, violet d’Égypte, terre de Sienne, terre d’ombre naturelle, ombre brûlée, ocre de chair, jaune de cadmium foncé ( indispensable, irremplaçable, très cher), bleu de Sevres, bleu phtalocyanine, l’indigo, la laque de garance (une petite émotion pour la garance dorée de Sennelier, ainsi que l’orangé de Chine, du même), les oxydes transparents ...

Quoiqu’il en soit : Ne jamais oublier les temps de séchage. C’est le secret d’une peinture belle et solide

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