ESSAI DE TECHNIQUE IDÉALE
pour la peinture à l'huile

QUE PEINDRE ?
Déterminer son sujet.

Muriel Bourra "jardin secret ", 2000
huile sur toile 73x60cm, préparation au vinyle. Collection privée

On peut arbitrairement et assez grossièrement classer les artistes en deux catégories, qui peuvent parfaitement se recouvrir, mais qui n’ont pas, fondamentalement, le même but.
Nous dirons : l’Expressif et le Décoratif. Faute de connaître cette différence - qui n’est en aucun cas péjorative -, on se trompe souvent sur ce qu’on regarde, et par conséquent sur ce que l’on fait.


Jackson Pollock :
réflexion du grand plongeur (détail)1946

Jules Trayer :
Quai des Grands Augustins en 1888

Les ambitions des deux groupes sont opposées.
L’Expressif, est mû par un besoin intérieur d’exprimer un sentiment ou une idée et va utiliser la représentation du monde extérieur comme un matériau, tandis que le second, le Décoratif, va être provoqué par son constat du monde extérieur, qu’il va vouloir (capturer?) reproduire ou déformer, soit pour l’embellir, soit pour le déstructurer.
Ainsi la peinture abstraite, quand elle est sincère, cherche-t-elle à donner une forme à ce qui n'en a pas encore, ou ne peut pas être perçu directement. Mais n'est-ce pas ce que fait également la peinture symbolique ou religieuse ? Utiliser la représentation du monde pour exprimer - et communiquer- une idée, un concept, un rapport, et en faisant passer son message avant l'esthétisme ? Il est préférable de savoir dès le départ à quel groupe on appartient, même si c’est arbitraire, même si on peut en changer en cours de route. Il n’est pas question de décider qu’un mode soit meilleur que l’autre : la distinction n’est à faire que par commodité.
L’art dit "décoratif " - qui vise à décorer, à embellir, à rendre la vie plus vivable, n’est en aucun cas un art mineur : que serait un Art qui vise à rendre laid volontairement ? Cet Art de "décorer " signe néanmoins son ambition et doit s'en donner les moyens : il lui importe d'être en conformité avec les critères du beau d’une époque, d’un lieu, d’une culture, même s’il prétend, ensuite, les améliorer ou les critiquer. Ces critères sont très fluctuants d'une civilisation à l'autre mais néanmoins précis : ils vont dans le sens d’une "magnificence " du monde, soit parce qu’ils exhaltent un art de vivre, flattent l’orgueil du puissant, renforcent le pouvoir d’une religion, vantent les plaisirs d’une vie ordinaire ou au contraire ceux, plus aventureux, des héros et des guerriers. C’est un art social avec tout son cortège officiel. Cet Art est au service du Monde. Il naît d’un besoin d’identification Sociale. Il est "décoratif " jusque dans sa psychologie, puisqu'il devient un signe intérieur d'appartenance à une caste. c’est un art "T.V.A ". Il ajoute de la valeur au sujet qu’il traite comme a celui qui possède l'oeuvre. Rejeter cet art, ce serait faire peu de cas d’un Titien ou d’un Rembrandt.


Le Titien: portrait du jeune Anglais 1540-1545

Rembrandt : Les syndics des drapiers. 1662

L’art Expressif peut employer les mêmes critères pour être perçu mais il ne vient pas du même besoin. Il vient de ce qu’un individu précis, relativement isolé, veut s’expliquer le monde à lui-même. Il utilise l’art comme un langage à inventer. Il tente de mettre en forme un sentiment ou une vision imprécise qu’il perçoit émotionnellement. Dans ces conditions, la forme ou le style n’a pas tant d’importance : on se parle à soi-même d’abord. Il se peut que quelqu'un entende, ce n’est pas ce qui importe. Il faut que l'oeuvre soit adéquate et spontanément ressemblante au sentiment qui l’a provoquée. On pense irrésistiblement à Van Gogh, Cézanne, Egon Schiele, Gustav Klimt, par exemple, mais bien entendu beaucoup de modernes, dont Jackson Pollock et Georges Mathieu pour qui lesquels la signification vient après l'acte et non avant.


Georges Mathieu : Olivier III décapité. 1956

Il est bon de connaître ce qui nous motive, ce que nous cherchons au travers de l’acte de peindre : exprimer quelque chose ou apporter le plaisir esthétique. (l’un n’excluant pas l’autre). Cependant, la marche à suivre dans l'un ou l’autre cas n’est pas la même, puisque l’exigence n’est pas la même. Si on veut "s’éclater " dans une recherche ou la communication n’a pas d’importance, on peut – et l’on doit – utiliser tous les moyens, tout essayer, tout ouvrir, tout démonter, et tout reconstituer en suivant une inspiration qui n’a besoin d’aucun maître. Si l’on apporte quelque prix à la communication, on devra puiser dans le fond culturel commun afin d’être compris. La technique devient essentielle. Il s’agit d’apprendre à dire pour que l’autre comprenne. De ce fait, nos frères ennemis peuvent enfin se retrouver : dire quelque chose d’original avec des moyens compréhensibles par tous. N’est-ce pas l’idéal ?

Par conséquent, on mettra un soin tout particulier dans le choix du sujet, quel qu’il soit. On réfléchira à ce qu’il raconte nécessairement quelque chose : est-ce bien ce que l’on veut dire ? On ne cherchera pas seulement un équilibre des lignes mais aussi un équilibre du récit. On soigne ses éclairages, décidant que l’œil du spectateur ( à qui l’on s’adresse, ne l’oublions pas) va passer par ici plutôt que là, en tous cas ici d’abord, puis là ensuite. Tout compte, en peinture, comme en littérature, comme en pèche à la ligne : le poisson ne saute pas de lui-même dans la poêle ! Décider de son sujet, puis le laisser mûrir, faire des croquis, des essais de mise en place, se laisser rêver autour.

UN EXEMPLE CONCRET : Le 12/07/07 titre : "Marseille-Paris-Londres" (MPL)

La personne à qui est destinée cette toile est née à Marseille. Elle a tout d'abord fait des études de pharmacie, puis a rencontré son mari. Coup de foudre qui la mène vers une vie heureuse à Paris. De sa fenètre, elle voit le Sacré-Coeur. Elle découvre qu'elle peut peindre. Et qu'elle peint plutôt bien. Son mari étant muté, elle doit partir pour Londres et voudrait emporter une évocation de sa vie dans son nouveau domicile. Je pense avoir suffisament d'éléments pour composer mon tableau.
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Le fond = l'atmosphère
Sur un fond chaleureux orné de motifs entrelacés, secrètement éclairé...

Une tenture claire
.une tenture claire évoque le théatre d'une vie et apporte la lumière..

Les pigments
Les pigments dans leur pot


Évocation de la pharmacie

Les pinceaux
Les pinceaux

Dans  flamme, il y a âme
Un bougeoir d'argent...

Une encier, un coutau  à peindre
Dans le mot flamme, on trouve : âme. Une encrier de bronze pour missives amoureuses

Notre-Dame de la Garde et son Sacré-Coeur
La composition est prète : La Bonne Mère partage la colline avec le Sacré-Coeur. Ha : l'encrier d'amour est anglais.

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