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Le rétroviseur
MONTMARTRE La butte Montmartre culmine à 128 mètres et quelques centimètres devant le parvis de l'église St Pierre, à 130,53m dans le cimetière du Calvaire. Cela fait une différence de 65m avec le boulevard de Rochechouart et de 104m avec le niveau de la Seine. Il s'agit donc effectivement du point géographique le plus haut de la capitale, puisque Menilmontant culmine à 118m et Belleville à 115. Il
n'y a aucune explication certaine du nom de Montmartre. (Mons Martyrium
ou mont de Mercure ?)
Le
territoire des Dames de Montmartre comprenait une grande partie du XVIIIe
arrondissement actuel et la partie nord du IXe : elle allait jusqu'aux
rues St Lazare, La Bruyère, Notre-Dame de Lorette, Lamartine et
Bleue et était constituée de terres labourables. L'entreprise
des abbesses se termina avec la Révolution et l'éxécution
de la dernière des Dames de Montmartre, le 24 juillet 1794.
Montmartre, en 1880, est un village de pleine campagne. Sur son versant nord, on trouve un vaste terrain vague qu'on appelle "le Maquis ". C'est un enchevêtrement de baraques misérables enfouies dans les lilas, les buissons et les herbes folles, hanté de chiffonniers, d'apaches, de vagabonds, de marginaux et d'artistes de tous poils, coincé entre la rue Caulaincourt (ouverte en 1867), la rue Lepic et la rue Girardon (ex rue des Brouillards) et qui sera détruit par le percement de l'avenue Junot, en 1910. On y voit le peintre Renoir déambuler de son pavillon du "Château des Brouillards" à son atelier de la rue Tourlaque. Paul Gauguin y habite un temps, Modigliani également. Montmartre devient vite le fief artistique de la capitale. Tout se passe au "bateau-lavoir", rue Ravignan ou presque.
C'est là qu'on trouve le jeune Picasso, Van Dongen, dès 1906. Car sur la butte, les loyers sont modestes. Le baron Haussman n'est pas venu jusque là : un comité de salut a fait avorter son projet de poursuivre l'avenue Junot sur la place du Tertre, ce qui aurait fait raser l'église St Pierre !
Les pentes de la colline sont assez dangereuses : creusées comme un gruyère par des carrières de gypse, on assiste assez souvent à des glissements de terrain. Il y en aura un, mémorable, le 31 octobre 1909, vers sept heures du soir, à l'angle de la rue Tourlaque et de la rue Damrémont. Le sol, soudain, s'affaisse sous les pas de deux passants, un homme et une femme qui rentrent paisiblement chez eux. Le trou forme une excavation de cinq mètres de profondeur. Les deux passants sont happés par le vide et tombent au fond du puits. Les cris ayant déclenché l'alerte, on accourt. On parvient à extirper l'homme, mais la femme a disparu. On la cherche, en vain, pendant la nuit, puis on doit interrompre par crainte d'un nouvel éboulement qui menace les sauveteurs eux-mêmes. On ne retrouve le corps de la malheureuse que trois jours plus tard !
Certes,
personne, à l'époque, ne qualifie l'époque 1900 de "belle". Mais
le souvenir de la guerre de 70 et celui de la commune sont encore assez
vivaces pour propulser le plaisir en premier plan, avec une sorte de revendication
pour la futilité que l'on retrouvera aussi après les deux autres guerres
mondiales.
Les premiers films de Georges Méliès constituent un véritable engouement. Mais c'est surtout le "Moulin Rouge" qui va marquer l'époque. Inauguré le 6 octobre1889 par Joseph Oller, il remplace "le Bal de la reine Blanche". Le Tout-Paris se précipite dans la grande salle éclairée par des rampes au gaz pour assister au spectacle : rien que de l'inédit ! Quand, sur un air d'Offenbach, Toulouse-Lautrec apparaît soutenu par la présence de peintres et de boxeurs exubérants qui lui ouvrent le chemin, il fait sensation. Le mot circule vite : ce petit nabot aux jambes torses possède un sexe énorme. Les filles le surnomment "la cafetière". Il immortalise le lieu par ses affiches et ses tableaux, ses portraits de "la Goulue", "Nini patte-en-l'air", "la Môme fromage", "Grille d'égout" ou "Valentin le désossé". La salle donne, à l'arrière, sur un jardin orné de nombreux bosquets qui montent jusqu'à la rue Lepic. Les ébats se font en plein air, entre les stands de tir et les voyantes. ![]() Le ciel et l'enfer
Dans le jardin du Moulin Rouge, un énorme éléphant de stuc abrite un orchestre dédié à la danse du ventre. Le succès est immédiat. On y rencontre aussi bien le bourgeois qui s'encanaille que le titi en goguette, sans compter la duchesse déguisée en grisette ! Jusqu'en 1960, il ne va cesser de changer d'aspect : on le pousse à gauche, on le remet à droite, on l'affuble d'une tour gothique qu'on déguise aussitôt en château de "Blanche neige" avant la lettre, on rase l'immeuble adjacent pour agrandir la Brasserie Cyrano, puis on recontruit l'immeuble! On le perce pour lui adjoindre un "Bal", on le creuse, on le rabotte, on le chouchoute, on l'aime !
En 1900, le cirque est également en grande faveur. On vient frémir devant les équilibristes du cirque Médrano. Celui-ci se nomme d'abord le cirque Fernando, provisoirement en toile, puis en 1873, il est construit en pierre, pouvant contenir 2200 spectateurs.
Mais le grand gagnant de la période est incontestablement la terreur de Marthe Richard, le "bordel", le "claque", le boxon. En 1900, la maison est "close", mais bien organisée.
![]() Sur le pont Caulaincourt
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