Georges Faget-Bénard
Peintre graphiste

Je n'ai jamais appris à peindre. Je déteste tout ce qui est scolaire, sorte de situation de l'oie qu'on gave pour noel. Ou bien je n'ai pas rencontré le "maître" qu'il m'aurait fallu. Quelqu'un que je puisse admirer pour ses qualités plus que par son intimidation. Quelqu'un qui aurait su voir ce dont je suis capable par admiration. Mais un "Maître" est-il absolument nécéssaire ? Tout l'enseignement est là, qu'il suffit d'aller chercher. Ouvages, musées. Et puis, je l'ai déjà dit, mes préférences en peinture sont telles que j'étais immédiatement taxé de "goût de chiottes" rétrograde. C'était la pleine époque des abstraits...et j'aimais Léonor Fini, les pré-raphaelites et les pompiers. des impressionnistes, je n'acceptais que Caillebotte.
Par conséquent, j'ai appris seul, par l'erreur et en refaisant tout le parcours de la peinture. Le dessin d'abord, pendant une vingtaine d'années. Puis la couleur. L'avantage est que chaque erreur de mes élèves n'est connue, à présent.
Je m'épuisais dans l'huile. Je n'arrivais jamais à faire comme les admirables. Philippe de Champaigne, par exemple. Le Titien. Je n'ai aucun problème pour les sujets, mais la manière..
par exemple comment faire que tout soit lisse et propre, sans dénivellations, comme chez les Hollandais, comme si tout était vu de derrière une vitre créant la distance et donc le désir de pénétrer. A la Chardin, où il faut entrer. Lui ne viendra pas dans la salle.

Chardin

J'ai dû inventer un système de découpage par carrés pour me forcer à la nuance, pour comprendre comment modifier les teintes subtilement, passer de l'une à l'autre sans qu'on sache comment et m'échapper des couleurs commerciales. Mais j'étais loin du compte. Pour peindre correctement, c'est à dire comme les anciens, tous les facteurs doivent entrer en cohérence : un dessin parfait, l'intelligence des éclairages, les ombres et les lumières, les médiums, les temps de séchage, les reprises, les glaçis...et une organisation à toute épreuve.

Louis 14Le Titien
De quoi s'effondrer sur soi-même

Par conséquent, au début, j'ai préféré le vinyl. Il sèche vite, les glaçis se font à l'eau, les contours sont plus nets. Plus tard, j'ai appris que les anciens commençaient leurs fonds à tempera, peinture à l'oeuf qui sèche quasi immédiatement, sur laquelle ils peignaient ensuite à l'huile, en rehaut.
C'est ce que j'ai adapté au vinyl sans savoir que d'autres le faisaient déjà (Gilou, Cadiou, Claude Yvel, Nadine Leprince et bien d'autres)

Nadine Leprince
Nadine Leprince
Pierre Gilou
Pierre Gilou
Claude Yvel
Claude Yvel
Endymion

Par conséquent, tous les fonds sont peints au vinyl (plus mat que l'acrylique) et largement fignolés à l'huile avec un médium constitué d'huile de lin, de térébentine de Venise (la résine du mélèze), d'essence d'Aspic et d'essence de térébentine.
D'un autre côté, je ne tiens pas à être un professeur confit. Je veux que nous travaillions dans une atmosphère dédramatisée, conviviale et affective.
Je sais comme il est important de se sentir aimé, que quelqu'un vous dise à l'oreille : je veux que tu vives.
Puisque j'ai dû me le dire à moi-même.
Pour ne pas être écrasé par le portrait de Richelieu, pour ne pas se désagréger devant ses propres incompétences, les portes qui se ferment, les ricannements et les incompréhensions.
Le sentiment d'être une merde.
On est tous plus ou moins dans ce cas, mais maintenant je sais que chacun est un monde et que les richesses cachées peuvent être découvertes, amenées timidement au jour pour enfin s'affirmer. Je connais le chemin.

Les murs
Stephan Hoernelooh : Celui là n'a pas raté son talent.