Georges Faget-Bénard
Peintre graphiste

LA MORT SELON FAGET

Simone Faget-Bénard

Sur cette photo prise en 1977 alors qu'elle pose pour le sculpteur Charles Corréia, elle a cinquante deux ans. On peut comprendre pourquoi notre différence d'âge ne s'apercevait pas.
Depuis quelques années, elle refusait que je la visite afin que je conserve d'elle cette image et j'ai respecté son voeu. Elle demeurait, au moins dans mon esprit, avec une apparence intacte. Elle ne m'a jamais rien demandé. Chaque Noël, cependant, je lui faisais livrer son repas de l'Auberge, ou parvenir les huitres dont elle raffolait, puis nous discutions au téléphone des films qu'elle avait vus. Sa voix n'a jamais changé. Gaie, pointue, théâtrale, toute en rupture. Unique. L'avant derniere semaine, lorsqu'elle répliquait aux infirmières, je lui ai fait remarquer qu'on aurait dit Suzanne Flon si elle avait joué "Tatie Danielle" et elle a ri.
Simone n'était pas forcément appréciée de tout le monde. Parfois abrupte et péremptoire, elle avait un fort caractère, mais sa loyauté était sans égale et ses décisions souvent justifiées. Sa fidélité en amitié comme en amour est bien connue.
Née a Vernon (Eure) le 11 septembre 1920 d'une famille d'armurier, elle arrive à Paris en 1950 pour devenir comédienne et s'inscrit au cours Boer-Téron, où travaille également Roger Hanin, puis se perfectionne en Mime et en chant, ce qui l'amène à travailler dans divers cabarets, là même où débutent Barbara et Jacques Brel : l'écluse. Elle y rencontre Boris Vian, qui lui propose quelques textes. Elle travaille également à la radio, avec Bernard Hubrenne (Hubrenne et Bardin), puis avec André Flédérick, enfin avec Yvan Audouard, auteur et homme de radio, et Alexandre Breffort ( auteur de "Irma la Douce", la musique étant de Marguerite Monod). Elle s'installe au cinquième étage de "l'Hôtel de la Paix", dans l'ile St Louis.

Elle part plusieurs années de suite en tournée aux Antilles dans la célèbre troupe de jean Gosselin pour y jouer "Ombre Chère", de Jacques Deval, Le rôle d'Ismène dans Antigone d'Anhouil, Poil de Carotte - (où elle joue le rôle de Poil-de-carotte), Estelle dans "Huis Clos" de Jean-Paul Sartre puis, une fois rentrée, reprend : "Un certain Monsieur Blot" au Théâtre Daunou, avec Michel Serrault. Elle crée le rôle principal de "Annonce Matrimoniale" de Guy Foissy, pièce placée au répertoire du Théâtre Francais, et repris par Mony Dalmès.
La rencontre avec Claudine Vattier, en 1965, va être déterminante. Simone n'est pas agitée par l'ambition. Elle préfère l'aventure humaine, la douceur de l'amitié et la joie de vivre. Claudine est, elle, une passionnelle qui fait tout avec passion : adaptation de pièces étrangères, spectacles d'avant-garde, écriture de feuilletons télé. Nous sommes juste avant 68 : la folie est dans l'air. Les deux femmes s'en donnent à coeur joie dans l'inventivité des cafés théâtres : "Full -up", un spectacle musical joué trois fois par soirs dans des caves et des cabarets, qui sera repris au Théâtre Grammont en 1971, "Bubutz", au Théâtre 347 (Ex Grand-Guignol). Puis elle décide de s'occuper de la carrière de celui qui vient d'entrer dans sa vie : il a vingt cinq ans et elle quarante-cinq. Pendant dix ans, elle va le soutenir et aménager son itinéraire. De ce fait, elle se met un peu en retrait. Mais elle est aussi philosophe sur scène qu'en coulisses et toujours de bon conseil. Cependant, son rêve secret visait la nature et les choses simples.
A St Pierre de Fursac depuis 1977, elle passait des jours tranquilles à s'occuper de son jardin et admirer le paysage. Paysage qu'elle aimait tant, été comme hiver et qu'elle ne va pas quitter.

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